Dispositif 100% contrôle : refoulée à l'aéroport avec ses enfants, elle témoigne

Fil d'attente pour l'accès à la salle d'embarquement - Aéroport Félix Eboué
Depuis la mise en place du dispositif 100% contrôle à l'aéroport - en réponse au trafic de cocaïne - les voyageurs sont nombreux à se plaindre. Plusieurs dénoncent du délit de faciès, d'autres une pratique abusive. Certains voyageurs sont refoulés à l'aéroport Félix Eboué pour suspicion de trafic de drogue.

C'est ce qu'a vécu Monique le 17 septembre dernier. La mère de famille âgée de 42 ans, venue en Guyane pour un enterrement, se rendait chez elle, en Hexagone, avec ses trois enfants. Elle raconte.

On est arrivé à l'aéroport, puis on est passé au premier contrôle. On a donné toutes les pièces d'identité. Ensuite, on nous a emmenés à un deuxième contrôle. Ils ont fait des photocopies des pièces, on nous a posé des questions à mes enfants de 22 et 17 ans, ainsi qu'à moi. Par exemple, est-ce que je prends de la drogue ?

Couloir d'accès aux contrôles d'identité - Aéroport Félix Eboué

À cet instant, Monique ne comprend pas l'interrogatoire. Selon elle, les autorités font preuve d'une grande fermeté. "On m'a demandé qui avait pris les billets. C'est un ami de la famille, car je ne pouvais pas me permettre de prendre tous les billets", relate la quadragénaire.

J'ai donné son prénom, mais son nom de famille, je ne l'avais pas en tête. J'ai voulu prendre mon téléphone pour leur montrer son identité, ainsi que tous les autres documents qu'il m'a envoyé. Ils ne voulaient rien entendre et ont dit que j'étais suspectée de trafic de cocaïne sans même réaliser de test. On ne m'a rien montré. On m'a fait signer un document, on m'a dit que j'avais interdiction de passer par l'aéroport de Félix Eboué.

"Ils pensaient que toute ma famille transportait de la drogue, et même que j'en avais caché sur mon bébé d'un an", déplore Monique. Elle a dû quitter l'aéroport Félix Eboué sans voyager. La mère de famille a souhaité déposer plainte, mais celle-ci a été refusée, dit-elle.

"Je souhaite rentrer en France, j'ai d'autres enfants là-bas qui doivent se rendre à l'école, ils sont gardés par des amis. J'ai appelé mon assistante sociale et personne ne m'aide. Si je ne trouve pas de solution, je serai obligée de les faire venir en Guyane", confit Monique.

Dans les prochains jours, elle compte se rapprocher des associations telles que Trop Violans, mais aussi se faire aider par la Justice, face à une décision qu'elle ne comprend pas.

Un cas qui n'a rien d'unique

Une histoire qui se répète. Mercredi 20 septembre, le député de la seconde circonscription Davy Rimane dénonçait, lors d'une conférence de presse, les arrêtés d'interdiction d'embarquer mis en place dans le cadre de l'opération "100 % de contrôle" à l'aéroport Félix Eboué.

Aux côtés du député, deux hommes refoulés à l'aéroport Félix Eboué alors qu'ils se rendaient à Paris.

Député de faciès : le député Rimane attaque l'État

Plus de 7 000 arrêtés d’interdiction entre novembre 2022 et juillet 2023

D'après un bilan de la préfecture datant de juillet dernier, 7 432 arrêtés préfectoraux interdisant l’embarquement ont été pris entre le mois de novembre 2022 et celui de juillet 2023. Par ailleurs, 417 kg de cocaïne ont été saisis dans la période de janvier à juillet.

En décembre 2022, soit 1 mois après avoir déployé le dispositif, la préfecture de Guyane dressait un premier bilan. 861 arrêtés d’interdiction d’embarquement avaient été prononcés, tandis que 87 interpellations avaient été effectuées.

Des arrêtés d'embarquer déjà annulés auparavant

Le 28 mai 2019, le tribunal administratif de la Guyane avait annulé deux arrêtés préfectoraux interdisant à deux citoyennes françaises résidant à Saint-Laurent du Maroni d’embarquer sur un vol Cayenne-Paris. Trois mois plus tôt, elles avaient été soumises à six questions sur l’objet et les modalités de leur voyage, puis soupçonnées de transporter de la cocaïne vers la métropole.

Elles avaient interdiction d’embarquer pour une durée de trois jours. À l’époque, la Justice estimait qu’"une telle mesure constitue une restriction à la liberté fondamentale d’aller et venir, protégée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen".