Ce n’est pas la première fois qu’elle va voter, mais Cindy Montgénie, installée aux Etats-Unis depuis 24 ans, reconnaît que ce scrutin-là à une saveur particulière.
« Early voting »
« J’ai la nationalité américaine depuis 2011. Je vis là et pour moi c’est important de pouvoir voter et influer sur des décisions qui me concernent au quotidien. » Cheffe d’entreprise, Cindy Montgénie fait du consulting à Miami. Comme de nombreux Américains, elle a fait le choix de voter à l’avance. Ce « early voting » peut se faire par correspondance dans certains états, ou physiquement. Cindy Montgénie, elle, s’est déplacée un dimanche, « dans le calme. »
Dans son cercle amical, tout le monde a fait de même. « Sur notre groupe WhatsApp, nous partageons nos photos avec notre petit badge remis lors du vote. » Si le groupe d’amis partage sans problème opinions et photos, ils ne s’alignent pas sur leur choix électoral. « Les sondages donnent des résultats très serrés. Tout le monde attend pour savoir ce qui va se passer parce que nous avons deux candidats avec des visions complètement différentes. Cela crée des divisions même parmi les amis. » Malgré ces dissensions, pas question de laisser la politique gâcher les relations amicales : « notre amitié va au-delà de la politique. Si demain j’ai un problème, ce sont mes amis que j’appellerai, ce ne sera ni Trump, ni Kamala. »
Comme Cindy Montgénie, Olivier Lucenay a déjà voté. Installé aux Etats-Unis depuis 11 ans, il a obtenu la nationalité américaine depuis deux ans. Alors ce premier vote, dans le New Jersey où il réside désormais, a une valeur symbolique. « J’ai trimé pour avoir cette double nationalité. Voter est un privilège que j’ai enfin. » Chef d’entreprise lui aussi, il est prudent lorsqu’il s’agit de parler politique. « La politique et le Covid, ce sont deux sujets à éviter. Ce n’est pas bon pour le business. ? De manière globale, j’ai remarqué que contrairement à la France, où on aime débattre politique, aux Etats-Unis, c’est plutôt mal vu d’en discuter ».
« C'est historique »
Pourtant, dans la salle de sport qu’il possède, la politique arrive sur le tapis. « Une salle de gym, c’est comme un salon de coiffure, les gens parlent. J’ai l’impression, lorsqu’on discute des sujets sociaux, que les chefs d’entreprise sont plus tournés vers Trump et le parti Républicain, tandis que les salariés sont plus tournés vers Kamala Harris et les démocrates. »
À New York, où il vient de revenir après une tournée française avec la compagnie Alvin Ailey, Yannick Lebrun a profité du dernier jour de « early voting », dimanche dernier. Franco-Américain depuis 2020, il vote pour la première fois pour le scrutin présidentiel. « J’ai déjà voté pour des élections locales, mais là c’est autre chose. C’est historique ! Tout l’Amérique retient son souffle. Il y a deux visions qui s’opposent et pour la première fois une femme noire pourrait devenir présidente des Etats-Unis. »
Comme les autres Guyanais interrogés, Yannick Lebrun ne souhaite pas dire pour qui il a voté. « L’ambiance est calme dans les rues. Les gens ne parlent pas ouvertement de politique. Mais les personnes qui s’expriment veulent du changement. Il y a aussi beaucoup d’indécis… » Dans son entourage, pas de militants. Mais Yannick Lebrun connaît des personnes ayant assisté à des meetings. « Aujourd’hui, je perçois surtout le stress de l’attente. Il y a aussi un peu d’inquiétude : La crainte est que si Kamala Harris gagne, les supporters de Trump réagissent comme le 6 janvier 2021 ». Pour éviter de revivre ce moment où les partisans de Donald Trump avaient envahi la Capitole, certaines administrations et commerces seraient déjà en train de se préparer pour assurer leur sécurité.
Mardi, jour d’élection, les yeux du monde entier seront braqués sur l’Oncle Sam. Sur place, Cindy Montgénie, comme les autres, ne perdra pas une miette de ce qui se jouera. « Je vais suivre l’élection à la télé, seule chez moi. J’espère que ce ne sera pas comme en 2020 où nous avons attendu trois semaines pour avoir les résultats ! »
Contrairement à la France où le président est élu au suffrage universel direct, les Etats-Unis choisissent leur président au suffrage universel indirect. Ainsi, demain, en réalité, c’est pour le collège électoral, les fameux « grands électeurs » que les citoyens vont voter. Ensuite, ces 538 élus choisiront le futur président qui doit remporter au moins 270 voix. Cela signifie qu’aux Etats-Unis, un président peut perdre l’élection alors qu’il a remporté la majorité des voix populaires. C’est ce qui était arrivé à Hillary Clinton, en 2016, face à Donald Trump ou encore à Al Gore, en 2000, face à George W. Bush.