ENTRETIEN. "Quand on est exécutif, on essaie d'éviter la grève", Marie-Laure Phinéra-Horth au sujet du mouvement à la mairie de Cayenne

Marie-Laure Phinéra Horth sénatrice de Guyane
Dysfonctionnement budgétaire, absence de dialogue social, continuité économique non respectée... Marie-Laure Phinéra-Horth a un avis très tranché sur le mouvement social qui secoue la mairie de Cayenne depuis le 26 janvier. La sénatrice et ancienne maire de Cayenne est sortie de son silence. Elle nous a accordé un entretien exclusif.
  • Madame Phinéra-Horth, quel est votre point de vue sur le mouvement de grève qui se déroule actuellement à la mairie de Cayenne ?

Tout le monde sait que j'ai été maire et lorsqu'il y avait un dépôt de préavis de grève, je réagissais tout de suite. Vous arrivez sur des points pour lesquels vous ne vous entendez pas, la grève se déclenche, mais après il faut essayer de négocier tout de suite pour ne pas que ça s'enlise. Il y a eu des erreurs de la part de l'exécutif.

  • Vous pensez que Sandra Trochimara, la maire de Cayenne, n’a pas réagi suffisamment vite ?

Oui... c'est mon avis hein ! Quand on est exécutif, on ne peut pas dire "je ne fais pas le premier pas" ou "je fais le premier pas", non. Quand on est exécutif, on essaie d'éviter la grève. C'est clair que, quelque part, vous ne pouvez pas l'éviter... Mais il faut rentrer tout de suite en négociation et essayer de trouver des compromis avec les grévistes. Vous savez bien que les syndicats sont là pour défendre les agents.

Je pense aussi que quand on gère une grève, on communique beaucoup avec les grévistes. Il y a trop de temps morts.

  • Alors au cœur du conflit, il y a cette prime IFSE (indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise) qui devait être versée depuis 2018, donc du temps où vous étiez maire de Cayenne, pourquoi vous ne l'avez pas fait ?

Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est aussi la période où nous avons eu un contrôle de la chambre régionale des comptes, donc il y avait un déficit de -33 millions d'euros qu'il fallait combler. Moi, j'avais mis en place une caravane budgétaire avec la DAF (Direction des Affaires Financières), avec les élus qui avaient les délégations dans certains services.

On a pu expliquer qu'il y avait des restrictions sur tous les plans et que, administrativement, on leur avait donné l'IFSE au minimum. Mais c'est sûr qu'il fallait augmenter, puisque le pourcentage de l'IFSE est calculé en fonction de l'entretien professionnel.

Je suis partie en 2020, mon objectif était surtout de combler le déficit de 33 millions et surtout de ne pas licencier les 33 agents... Ce qu'on m'avait demandé de faire si je ne voulais pas qu'on parle du déficit. Comme je l'ai dit, ça ne correspondait pas à ma gestion.

La chambre régionale des comptes était remontée à plusieurs mandatures, donc peu importe qui c'était, il était de mon devoir de le combler. Mon objectif pour les trois ans avec les élections, c'était de combler, et ça, on l'a fait. Elle a pris la suite en octobre 2020 et les comptes administratifs étaient positifs à 9 millions d'euros. À partir de 2021, tout devait rentrer dans l'ordre. Je n'étais plus le maire, donc elle avait les administratifs qu'il faut. Elle aurait dû poursuivre, mais c'est une question de relation. Je n'ai pas de relation avec elle, donc voilà.

  • Et qu'est-ce que vous répondez à Mme. le maire concernant l'augmentation de 117% que demande le syndicat UTG ? Elle dit que cela augmenterait les charges de personnel de 4.6 millions d'euros et réduirait mécaniquement les capacités d'investissement de la ville.

Je ne suis pas d'accord avec elle, il ne faut pas mélanger les choses. Un budget d'investissement, c'est un budget d'investissement. Un budget de fonctionnement, c'est pour les salaires, c'est pour autre chose. Donc, de toute façon, vous ne pouvez pas transférer des sommes de l'investissement vers le fonctionnement. Je ne suis pas d'accord avec elle sur ce plan.

Mais par contre, oui ça augmentera le budget de fonctionnement. Après, il faut s'y tenir, mais ça n'a rien à voir. Il ne faut pas venir raconter que si elle donne ce que les grévistes demandent, qu'elle ne pourra pas poursuivre la réalisation des projets, non. Il faut faire la part des choses.

Il y a un mélange de genres que je ne comprends pas d'ailleurs, mais bon... je ne ferai pas de commentaire.

  • Vous comprenez ces agents, qui disent qu'ils n'en peuvent plus après 30 ans, 40 ans sans revalorisation ?

Oui, je comprends. Depuis quand j'étais là je comprenais, mais je leur disais que je ne peux pas faire mieux. Mais je pense qu'à partir de 2020, 2021... C'était possible. C'était possible de les revoir, puisqu'on a décidé de signer un protocole d'accord, j'avais mis en place un comité de suivi du protocole et elle n'a pas suivi. Moi, là où je leur donne tort, c'est qu'ils ont attendu trop longtemps pour demander au maire de poursuivre le comité de suivi qui avait été mis en place.

Pourtant, c’était une continuité de mandature. Le problème, il est là. Elle ne peut pas inventer un budget... Il faut s'arranger avec eux et trouver des compromis. Mais il ne faut pas non plus essayer de les tromper. Puis c'est trop facile de dire "j'ai trouvé ça comme ça". Il fallait continuer ce que nous avions commencé, tout simplement.