Gaston Monnerville : 30 ans après sa mort, une lettre ouverte demande son entrée au Panthéon

Photo de Gaston Monnerville dans les années cinquante.
Le 7 novembre 1991, Gaston Monnerville poussait son dernier souffle. 30 années plus tard, des personnalités se mobilisent pour que le Guyanais soit inhumé au Panthéon. Ce vendredi, une lettre ouverte signée par 60 membres du Parti Radical demande sa panthéonisation à Emmanuel Macron.

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante ». Cette phrase est inscrite sur la façade du Panthéon, à Paris, où reposent les « grands hommes » et les « grandes femmes » que la France souhaite honorer de façon éternelle. C’est dans cet édifice que de nombreuses personnalités, politiques ou non, espèrent voir reposer Gaston Monnerville. Le 7 novembre aura lieu le 30ème anniversaire de sa disparition. A cette occasion, le Parti Radical a rédigé et publié une lettre ouverte au Président de la République pour demander de procéder à la panthéonisation de ce célèbre Guyanais.

Un long et brillant parcours salué plusieurs fois

Cette lettre, signée par 60 membres du parti, dépeint un « acteur de notre histoire commune sous la IIIe, la IVe et la Ve République ». Les signataires décrivent avec admiration le parcours et le caractère de ce « petit-fils d’esclave et étudiant boursier » qui a su « progressivement gravir tous les échelons ». Car, rappelons-le, Gaston Monnerville n’est pas seulement le nom donné à plusieurs établissements scolaires de France, ni seulement le nom de rues et avenues de Guyane, de Guadeloupe et de Seine-et-Marne.

Il est aussi, et surtout, un grand homme politique et un avocat qui a su marquer l’histoire de la Guyane et de la France. En 1931, il obtient l’acquittement des « insurgés de Cayenne ». Ce sont ces 14 Guyanais inculpés après la mort suspecte de Jean Galmot 3 ans plus tôt. Dans une plaidoirie devenue référence, Gaston Monnerville dénonce le système colonial et les fraudes qui sévissent en Guyane à cette période. Le procès, qui se tient à Nantes, est un véritable tremplin pour l’avocat. Il devient ensuite député, puis sous-secrétaire d’État aux colonies, sénateur, conseiller général, puis président du Conseil général du Lot avant de devenir président du Conseil de la République, président du Sénat et enfin membre du Conseil constitutionnel français.

Julien Vermignon, délégué Ile-de-France des Jeunes Radicaux, est à l’initiative de la lettre ouverte. Lors d’une vidéo de présentation de son parti, il évoque Gaston Monnerville, « l’un des grands hommes radicaux ». Fait du hasard, il remarque que cette année marque le 30ème anniversaire de la mort du politicien. Pour ce fils de Martiniquais, qui pointe du doigt le manque de représentation de figures issues des territoires d’Outre-Mer, c’est l’occasion idéale de relancer une demande de panthéonisation de Gaston Monnerville. Huguette Tiegna (députée du Lot), Gérard Larcher (actuel président du Sénat) et Georges Patient (sénateur de la Guyane) ont tous fait cette demande avant.

« L’homme qui s’est opposé au Général de Gaulle »

Selon le jeune radical, si cela n’a pas encore été fait, c’est parce que « la famille politique à laquelle appartenait Gaston Monnerville n’avait pas de place assez importante à l’époque ». Pour Hodene Georges, étudiant guyanais à Sciences Po. Rennes et passionné d’histoire, Gaston Monnerville « souffre encore de ses combats passés ». « Il était présenté comme l’homme qui s’est opposé au Général de Gaulle » rappelle-t-il. En effet, l’homme n’a jamais hésité à s’opposer aux convictions de l’ex-président de la République.

En 1968, il renonce même à la présidence de la Haute Assemblée pour mieux défendre ses positions. L’année suivante, à la télévision, il appelle a voté « non » au référendum sur la réforme visant à une diminution des pouvoirs du Sénat voulue par Charles de Gaulle. « Peut-être que cette image persiste toujours dans la classe politique française et freine son entrée au Panthéon », estime Hodene Georges. Si ses anciens combats restent dans les mémoires, c’est aussi parce qu’ils restent d’actualité d’après Julien Vermignon. Il songe notamment à la gestion des territoires d’Outre-Mer et aux inégalités.

©INA

Un grand homme méconnu ?

Toutefois, « il y a un problème de représentation au niveau de la mémoire politique en France », considère le délégué Ile-de-France des Jeunes Radicaux. Lorsqu’on lui demande s’il pense que l’histoire de Gaston Monnerville est bien connue, sa réponse est claire : « On ne connait jamais assez Gaston Monnerville, c’est un homme qui a presque eu plusieurs vies ». Hodene Georges fait le même constat.

Monnerville est un personnage assez méconnu, aussi bien en Hexagone qu’en Guyane. Quelques rues et quelques écoles (à son nom, ndlr) ne suffisent pas à mettre en lumière son parcours exceptionnel.

Hodene Georges, étudiant guyanais à Sciences Po Rennes et passionné d’histoire.

Ces deux jeunes engagés ne sont pas les seuls à penser ainsi. C’est aussi le cas d’Huguette, qui se décrit comme « une Guyanaise concernée ». « Je suis d’une ancienne génération et je sais que je n’ai pas appris grand-chose sur les hommes d’Outre-mer à l’école », se rappelle-t-elle. Et de poursuivre : « A l’époque, lors de l’inauguration de l’avenue Gaston Monnerville à Rémire-Montjoly, il y avait eu cet engouement pour faire mieux connaître les personnages honorés ». Pour cette Guyanaise concernée, ce n’est pas suffisant. « Dans toutes les villes où il y a des rues au nom des personnages de l’histoire, il faudrait qu’il y ait une plaque qui rappelle les éléments et dates principales qui retracent la vie de cette personne », affirme-t-elle.

L'action se poursuit

Pour que les combats de Gaston Monnerville soient connus par le plus grand nombre, le Parti Radical compte poursuivre son action. La 1ère étape était la rédaction de la lettre ouverte. Pour la 2ème étape, le parti espère pouvoir compter sur le soutien des élus qui souhaitent la panthéonisation de celui qui fut président du Sénat. Cette lettre ouverte sera également publiée en ligne dans les prochains jours, afin que toute personne qui le souhaite y joigne sa signature.

RETROUVEZ ICI LA LETTRE OUVERTE DEMANDANT LA PANTHEONISATION DE GASTION MONNERVILLE A EMMANUEL MACRON

 

Qu’est-ce que le Panthéon ?

L’on dit qu’une personnalité entre au Panthéon lorsque sa tombe y est placée. Il s’agit en fait d’une nécropole destinée aux grands hommes et aux grandes femmes de France. Seul le président de la République décide des personnes qui y entrent. Il doit signer un décret notifiant qu'« il est décidé que les cendres de X seront transférées au Panthéon ». Il faut trois conditions pour entrer au Panthéon : être mort, bénéficier de soutiens même après la mort (via des pétitions, par exemple) et avoir incarné les valeurs de la République de façon exemplaire de son vivant.

A ce jour, 81 personnalités y sont inhumées. L’entrée au Panthéon est un symbole fort, cela représente la reconnaissance de la France envers une personne pour ses accomplissements. Il peut s’agir d’art, de politique, de sciences et bien d’autres domaines. A titre d’exemple, Joséphine Baker, Aimé Césaire, Marie et Pierre Curie ou encore Emile Zola et Jean Jaurès sont inhumés au Panthéon. Un seul Guyanais y repose jusqu’à maintenant, c’est Félix Eboué. Il y est depuis le 20 mai 1949, il a été transféré vers le monument 5 années après son décès et le même jour que Victor Schoelcher.

Par ailleurs, sachez qu’une personnalité peut être exclue du Panthéon, c’est déjà arrivé plusieurs fois par le passé. Honoré Gabriel Riqueti, dit Mirabeau, a été le premier inhumé au Panthéon (en 1791) pour son rôle de révolutionnaire. Il a aussi été le premier exclu. En 1792, des documents révélant une relation entre lui et le roi Louis XVI lui ont valu son exclusion. En 1794, son corps a été transféré vers un dépôt mortuaire, avant de finir dans une fosse commune en 1798.