«Les Guyanais», est un recueil de photographies signé Karl Joseph. Karl Joseph, photographe professionnel, a voulu montrer sa quête identitaire. En revenant sur sa terre natale, après des années d’absence, il s’interroge sur sa guyanité. Admiratif de l’œuvre du photographe Robert Franck, Karl Joseph entame un périple en Guyane. Il photographie, au gré de ses rencontres, des personnages singuliers : des Créoles, des Bushiningués, des Chinois, des Hmong, des Brésiliens, qui se disent guyanais. Et c’est le déclic, cette Guyane multicolore, Karl Joseph, va la montrer.
Etre Guyanais, telle est la question
Par son travail, Karl Joseph pose ainsi la question de l’origine du Guyanais. Est-on Guyanais de naissance, ou le devient-on ?. Etre Guyanais, c’est vivre, s’implanter, s’intégrer et participer pleinement à la vie sociale, culturelle et économique du pays. C'est une responsabilité individuelle. Etre Guyanais, c’est appartenir aussi à une vaste communauté multiculturelle… C’est forcément être ouvert et dans la tolérance.
Des visages qui s'exposent
«Les Guyanais» c’est d’abord une exposition itinérante. Elle a été présentée à Bruxelles, en Martinique, au Surinam et à l’E.n.c.r.e à l'initiative d'Elizabeth Lama. Ensuite Karl Joseph en a fait un livre.
Ce livre, a été réalisé avec un regard distancié. Karl Joseph a voulu montrer la Guyane et ses habitants, tels qu’ils sont, sans fioritures, sans se raconter d’histoires. Des photographies brutes, des instantanés de vie à un instant T.
C’est là, tout l’art du documentaire photographique : l’effacement du photographe au profit d’une image réaliste. Ensuite, au lecteur de se faire une opinion.
"Les Guyanais" de Karl Joseph aux éditions Ibis rouges.
Karl Joseph un photographe engagé
-Quelle a été votre démarche quand vous avez initié le projet « les Guyanais »?
À travers ce livre, je souhaitais proposer une errance dans mon propre pays après une quinzaine d’années passées en dehors de la Guyane. Une errance plutôt qu’une promenade, parce que je ne savais pas où j’allais... Je voulais me laisser surprendre, me laisser transporter par les moments, redécouvrir ce qui avait fait mon quotidien mais aussi explorer d’autres facettes d’un territoire qui change à toute allure. J’avais les mots du poète Leon Gontran Damas en tête « Colonisation, civilisation,assimilation ... et la suite » et c’est cette suite que je cherchais à trouver. Quelque part, cette suite pour le territoire, ses habitants mais aussi quelle suite pour moi. Je cherchais à savoir qui était les Guyanais de ce début de 21e siècle. C’était un question à laquelle je ne pouvais pas répondre de façon assurée, certaine, mais ce qui m’intéressait c’était le chemin, pas la destination.
- Vous avez sans doute suscité un débat, quelles sont les réactions qui vous ont le plus touché ? J’ai été très touché par l’accueil qu’a reçu aussi bien l’exposition que le livre. J’ai senti un besoin de se voir, important, chez ceux qui découvraient ces clichés. Cela correspond je pense à un déficit de représentation dans l’espace médiatique en général. Donc avoir une exposition, un travail d’image porté par le titre « les Guyanais », qui affirme quelque chose, une appartenance au moins, a attiré les regards. Dans l’ensemble c’est un travail qui a reçu un accueil très positif. J’ai aussi eu quelques personnes qui en sortant de la salle me disait « c’est très beau mais ce n’est pas ma Guyane ce n’est pas la Guyane que je connais » et cette remarque était souvent faite parce que les personnes qui apparaissent dans ce travail sont d’origines très variées. Je pense qu’il y a et qu’il y avait chez certain un refus de voir la Guyane telle qu’elle est réellement, c’est à dire très diverses dans les « peuples » qui l’habitent.
-Pourquoi se poser la question de sa guyanité aujourd’hui ?
Je pense que le terme guyanité doit être manié avec beaucoup de précaution et il me dérange car il renvoie au terme d’ivoirité avec son corolaire d’actes xénophobes. De plus, il renvoie à l’identité, une notion apparue avec force dans le débat politique français dans les années 80 lorsque le Front National a pointé son nez. Je pense que l’identité est impossible à définir car c’est une notion qui est en mouvement permanent et qu’il faut en user avec parcimonie surtout lorsqu’on la sort du contexte individuel pour le faire émerger au niveau du groupe. Je préfère parler de projet ou de quête collective, des notions qui rassemblent et qui ne cherchent pas à diviser ou segmenter...