Haïti : mobilisation contre la réforme constitutionnelle et le président Moïse

En Haïti, la mobilisation ne faiblit pas dans la rue contre le projet de réforme constitutionnelle qui doit être validé par referendum le 27 juin pochain. Les opposants dénoncent une dictature alors que Jovenel Moïse gouverne par décrets. Un président dont ils réclament le départ.

En Haïti, la mobilisation ne faiblit pas dans la rue contre le projet de réforme constitutionnelle qui doit être validé par referendum le 27 juin pochain. Les opposants dénoncent une dictature alors que Jovenel Moïse gouverne par décrets. Un président dont ils réclament le départ. Certains opposants accusent Washington de le soutenir et souhaitent l’aide de Moscou… La suite d’une crise politique doublée d’une crise sociale.

Le peuple en colère

Des milliers d'Haïtiens dans la rue pour dire non au referendum sur une réforme constitutionnelle, illégale à leurs yeux. Ils craignent que la réforme permette au parti de Jovenel Moïse de garder le pouvoir. Même si le président sortant ne compte pas se représenter alors que le texte l'y autoriserait.

Le pouvoir « concentré entre les mains de Jovenel Moïse »

Parlant de dictature, ils déplorent que depuis un an, l'équipe en place gouverne par décrets comme l’explique Serge Jean-Louis, ancien député :

« Ils (le gouvernement) ont détruit le parlement. Ils ont réduit à néant le pouvoir judiciaire. Le seul pouvoir qui existe est concentré entre les mains de Jovenel Moise, que l'opposition considère comme un usurpateur. C'est pourquoi nous continuons à protester jusqu'à ce que ces problèmes. soient résolus. Bientôt le peuple haïtien changera la situation. Nous appelons à une grande mobilisation, pour un mouvement de masse. »

 

« Le projet constitutionnel d’une seule personne » dont le mandat serait achevé

En fait comme plusieurs experts internationaux, de nombreux Haïtiens reconnaissent qu'une réforme constitutionnelle est nécessaire pour rendre le pays gouvernable. Le texte proposé par Jovenel Moïse vise notamment à renforcer le pouvoir exécutif. Mais les opposants jugent qu'il va trop loin. Et ils affirment n'avoir pas été consultés. A l’image du sénateur Patrice Dumont :

« Nous sommes ici pour fêter l'anniversaire de la Constitution de 1987. Nous avons décidé de ne pas accepter le projet constitutionnel d'une seule personne, ni un référendum qui n'est l'œuvre que d'une seule personne. Parce que nous avons déjà une constitution du peuple, donc nous rappelons aux gens qu’il faut appliquer la Constitution de 1987. Le mandat de Jovenel Moise est terminé. »

Ce mandat aurait pris fin le 7 février dernier d’après les opposants qui exigent le départ du chef de l'Etat. Suite à un différend sur ce thème le mois dernier, le président a dénoncé un coup d’Etat et a mis à la retraite 3 juges de la Cour de Cassation.

Moscou appelé à la rescousse contre Washington pour chasser Jovenel Moïse

Jovenel Moïse, lors de son investiture au Palais national, le 7 février 2017 à Port-au-Prince.

Des manifestants dénoncent l'indulgence et le soutien selon eux, des Etats-Unis (premier pays bailleur de fonds d’Haïti), à un régime qui s’est aligné sur la politique étrangère US dans la Caraïbe (vis-à-vis du Venezuela). Du coup certains vont jusqu'à rêver d’un salut auprès de Moscou, en brandissant le drapeau russe. Ainsi David Oxygène activiste du MOLEGHAF (Mouvement de Liberté d'Egalité des Haïtiens pour la Fraternité) tient des propos qui rappellent un peu l’époque soviétique et la rivalité Est-Ouest :

«Nous voulons une coopération franche, fraternelle et amicale entre Haïti et la Russie. C'est pourquoi nous portons ce drapeau. Nous appelons également les masses populaires à se lever et à défendre les relations diplomatiques entre Haïti et la Russie. Nous, au MOLEGHAF soutenons cette orientation. Le moment est venu pour Haïti de rompre ses relations avec les États-Unis. "

 

Crise politique doublée d’une crise sociale

De fait la crise politique haïtienne déjà ancienne est exacerbée par la crise sociale. Les deux tiers de la population gagnent moins d' 1,70 € par jour. Selon les Nations Unies, près de la moitié des Haïtiens auront besoin d'une aide humanitaire d'urgence cette année.