La Guyane épargnée ?
précise la journaliste Sandra Muller à l’origine du hasthag#balancetonporc."A ce jour, nous avons eu 794 000 messages (source visibrain) publiés. Nous avons été partagés par 250 000 personnes dans le monde entier. En revanche, très peu de messages viennent de l’outre mer. A croire que chez vous, personne ne se sent concerné. Nous avons eu quelques signalements des Antilles, mais aucun de Guyane. En revanche, après être passé à une émission sur RFI, nous avons eu une avalanche de posts venant d’Afrique"
En 2016 et 2017, en Guyane, au total, 49 plaintes pour harcèlement ont été déposées. 34 d’entre elles étaient d’ordre du harcèlement sexuel. Ces plaintes pour la plupart, émergent du monde professionnel. Le licenciement ou la rétrogradation sont les conséquences les plus souvent évoquées.
Cependant, rares sont les plaignants dont l’affaire va jusqu’au bout. La loi de 2012 demande d’établir les faits qui ont conduit à cette plainte. Le harceleur présumé lui, doit ensuite prouver sa bonne foi. À défaut, il sera reconnu coupable. De nombreux éléments peuvent être pris en compte : les SMS, les courriels, les témoignages, les certificats médicaux etc.
Eric Vaillant , le procureur de la République ajoute
"Moins de 10 % des plaintes pour harcèlement donnent lieu à des poursuites. Le harcèlement doit en effet être prouvé pour que des poursuites devant le tribunal correctionnel soient engagées. Ces preuves ne peuvent toujours pas être réunies et parfois aussi l’enquête établit clairement que le harcèlement dénoncé n’existe pas du tout."
La frontière ténue entre la séduction et le harcèlement
"Le harcèlement sexuel est un enchaînement d’agissements hostiles et à connotation sexuelle, dont la répétition et l’intensité affaiblissent psychologiquement la victime. Il peut viser à intimider la victime, à la dominer, ou à obtenir un acte sexuel. Il désigne aussi les sollicitations de faveurs sexuelles au travail sous peine de sanction (source Wikipédia )."
"Cela se passe, il y a 25 à 30 ans, j’étais jeune administrative dans des univers où il y avait beaucoup de fonctionnaires masculins. Je devais m’imposer. J’avais un collègue qui tenait chaque matin à me dire bonjour, à m’embrasser souvent près de mes lèvres, à faire des petites remarques etc. Je prenais cela avec un peu de bonhommie mais au bout d’un moment cela m’a lassée. Il est devenu de plus en plus lourd dans ses attitudes, toujours à faire des promesses, pourquoi on ne partirait pas en voyage etc, des bises insistantes, à me tenir le bras et puis un jour il a essayé de m’embrasser et de me donner une étape sur les fesses. Là je suis sortie de mes gongs et lui ait dit d’arrêter. Je n’ai pas prévenu ma hiérarchie, car je ne voulais pas faire de scandale. Il a arrêté de me parler, pendant un an et puis un jour, on a recommencé à échanger. Ce sont des situations qui durent dans le temps et qui peuvent traumatiser quand on est jeune. Je n’ai pas réagi car j’avais peur des conséquences sur mon emploi" témoigne OC*
C’est une des situations que l’on retrouve le plus souvent. C’est même, une des plus courante. De nombreuses victimes de harcèlement, ne réagissent pas car elles ont peur des conséquences. Par ailleurs, il faut prouver les faits et déterminer la frontière entre des faits de séduction ou des faits de harcèlement répétés comme le prévoit en France la loi du 6 Août 2012. Le harcèlement de rues est également assez banalisé. Il sera bientôt passible d’une amende 90 euros .
Le lieu de travail en ligne de mire
"J’étais à un dîner de travail, en compagnie de cadres de ma société. J’étais assise à coté de mon supérieur hiérarchique. Il a mis sa main sur ma cuisse. J’ai changé de position, mais il a rapproché sa chaise. Là je me suis carrément écartée, tout en continuant gentiment à échanger avec lui. D’autres cadres l’ont remarqué et ont fait semblant de ne rien voir. Je l’ai quand même dénoncé verbalement auprès d’un autre supérieur hiérarchique. J’ai su après, qu’il était coutumier du fait et que j’avais été mise à côté de lui car j’étais jeune et jolie. Par la suite, j’ai eu besoin de son soutien dans une autre affaire. Évidemment, j’étais grillée. Il ne m’a pas soutenue. J’ai été rétrogradé. Difficile de ne pas faire de relation avec cette fameuse soirée" , se plaint VT*
La plupart des faits de harcèlement sexuels, se produisent sur le lieu du travail. D’ailleurs, une loi, celle du 8 Août 2016 , fait obligation à l’employeur d’intégrer dans les mesures de prévention sur la sécurité, les questions de harcèlement sexuels et les agissements sexistes. Le lieu de travail, mais pas seulement.
Autre constat : les femmes ne sont pas les seules concernées. Des plaintes ont également été déposées par des hommes hétérosexuels et homosexuels. Les conséquences peuvent être dramatiques notamment sur la santé psychologique et physique des victimes. Souvent elles se sentent responsables, remettent en question leurs propres sentiments et leurs comportements avant de comprendre que le harceleur, est le seul coupable. Il y a un vrai cheminement psychologique de l’individu face à la situation. Il est nécessaire d’être aidé pour se sortir de ce marasme.
La loi du silence
En Guyane, très peu de victimes ont le courage de porter plainte ou de témoigner. Quelques affaires cependant ont fait la une de l’actualité. A Saint-Laurent, l’an dernier, le secrétaire général de la sous préfecture a été condamné pour agressions sexuelles aggravées sur des jeunes femmes en situation irrégulière. Il profitait de sa position professionnelle pour exercer un véritable ascendant sur ses proies. En 2012, à Kourou, une jeune fille a été agressée sexuellement devant son domicile. L’agresseur a été condamné à 24 mois de prison dont 12 avec sursis.
Des affaires qui ne sont pas représentatives de la situation en Guyane. Très peu de victimes se font connaître même dans les associations d’entraide et de soutien, malgré la confidentialité de rigueur. L’association l'Arbre fromager qui accueille les femmes victimes de violence n’a jamais reçu de cas de harcèlement sexuel.
"Les femmes ont peur du qu’en-dira-t-on .Je pense que tant que la société ne prendra pas de position claire pour les femmes victimes de ces infractions, elles vont toujours se taire. Il y a dix ans, personne n’osait parler de la violence conjugale. Aujourd’hui, grâce à l’action des associations contre les discriminations, les victimes ont moins peur de s’exprimer. Je suis persuadée que la violence sexuelle est tabou en Guyane.Tout le monde se connaît. Cela reste une petite ville. Le parcours judiciaire est très long et très difficile. Il faut assumer après le regard des autres.", commente Lesley, Porte Présidente de l’association l’Arbre fromager
Depuis octobre 2016, la parole a été libérée. Être victime d’harcèlement sexuel, n’est plus un tabou.En Guyane, ce phénomène reste isolé et ne trouve pas de résonance. Le déferlement de dénonciations peut faire peur. Reste aussi, une fois la vague passée, à examiner et jauger les situations de harcèlement et d’agression sexuelle, afin de ne pas livrer à la vindicte populaire les harceleurs présumés, avant qu’ils ne soient jugés.
Trois questions à Sandra Muller, journaliste, à l’origine du hashtag# balancetonporc , directrice de la Lettre de l’audiovisuel
Pourquoi avoir lancé le hashtag#balancetonporc?
Je l’ai lancé sur un coup de colère, car il fallait briser l’omerta et le tabou qui règnent dans tous les milieux, concernant le harcèlement sexuel. On était en octobre dans un contexte international, aux Etats Unis où je réside, différents scandales sexuels faisaient l’actualité, la parole se déliait notamment dans les milieux du cinéma et de l’audiovisuel. J’ai eu envie moi aussi de m’exprimer. Il y a quelques années, j’ai vécu une agression sexuelle verbale violente, j’ai voulu aller plus loin en lançant ce mouvement sur twitter. Cela a été libérateur de comprendre que je n’étais pas la seule.
Aujourd’hui, combien de réponses avez-vous eu ?
A ce jour, nous avons eu 794 000 messages (source visibrain) publiés. Nous avons été partagés par 250 000 personnes dans le monde entier. En revanche, très peu de messages venant de l’outre mer. A croire que chez vous, personne ne se sent concerné. Nous avons eu quelques signalements des Antilles, mais aucun de Guyane. En revanche, après être passé à une émission sur RFI, nous avons eu une avalanche de posts venant d’Afrique.
C’est devenu presqu’une cause nationale (rires). Il y a une véritable omerta dans le milieu audiovisuel et cinématographique. Il faut savoir que le harcèlement sexuel, ne concerne pas que les femmes, cela touche aussi les hommes, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. C’est un, selon moi, des grands maux de ce siècle.
Et la suite ? Comment allez-vous transformer ce mouvement d’envergure internationale ?
Aujourd’hui, je suis assignée en justice par celui que j’ai dénoncé. Je suis donc en train de m’organiser pour ma défense. Mon objectif est de monter une association de défense des victimes d’agressions et de harcèlement sexuels. Nous allons travailler en partenariat avec des grandes entreprises et diverses associations œuvrant contre les discriminations et mettre en place des levées de fonds. Cette association basée à Paris et New York, sera ouverte à tous.