Hébergement des demandeurs d’asile en Guyane : plus de moyens d'accueil mais une situation toujours insatisfaisante

Demandeurs d'asile : multiplication par 4 des frais d'urgence ©Guyane la 1ère
Ces dernières années, la préfecture a largement augmenté le nombre de places d’accueil pour les demandeurs d’asile pour faire face à la demande croissante des candidats venus des pays arabes. Cela a fait grimper d’autant le budget dédié à ce dispositif, financé par l’Etat. Malgré tout, les conditions d’accueil ne sont pas toujours satisfaisantes.

L’hébergement des demandeurs d’asile, un dossier devenu brûlant pour l’Etat, dont c’est la compétence. Car il a fallu faire face à une demande croissante :

250 places proposées en 2019 et 1120 places fin 2022 (trois ans plus tard)

Et logiquement, le coût du dispositif a grimpé, car il est calculé à partir du prix de la journée de prise en charge.

1,8 millions d’euros en 2019 et 7,2 millions l’an dernier

Une hausse due surtout à l’augmentation des migrants venus des pays arabes, sans appui communautaire pour se loger en Guyane. Les Syriens et palestiniens représentaient 8 % des demandeurs en 2019, un pourcentage qui passe à 30 % l’an dernier :

Ils arrivent en famille avec des enfants et s'adressent directement à la puissance publique en l'occurence l'état dont c'est la responsabilité et on se doit de les loger. Le coût n'explose pas, simplement la demande explose avec un changement sociologique des demandeurs d'asile...

Thierry Queffélec, préfet de Guyane

Sur 1120 places, on compte 450 places d’hébergement d’urgence dont les centres d’accueil à Galmot et La verdure à Cayenne, 250 places dans des bungalows à l’hôtel du fleuve  Il y a aussi des nuitées d’hôtel ou de meublés, comme dans cet établissement à Cayenne, qui reçoit régulièrement des demandeurs d’asile. Gilles Changroqueling, gérant de l’hôtel « Ket Taï » à Cayenne :

"Je suis contacté par la Croix rouge qui me demande si je peux éventuellement héberger des familles. J'évite d'avoir des familles avec trop d'enfants car on n'est pas adapté et généralement je plafonne à 5 ou 6 familles. Cela peut rester d'un mois à six mois quelquefois..."

 
Un dispositif d’accueil saturé

Le dispositif d’accueil atteint ses limites, le centre la Verdure à Cayenne, officiellement de 18 places, accueille 80 personnes dans des conditions extrêmes. Si elles ont deux repas chaud par jour, le reste est loin du cahier des charges d’un hébergement d’urgence tel ce dortoir improvisé sur une terrasse battue par la pluie ou encore un carbet cuisine où sept familles dorment sur le plancher.

Un candidat à l’asile hébergé au centre « La Verdure » à Cayenne :

On dort par terre sur des tapis de sol de 2 centimètres d’épaisseur, je ne dors pas depuis une semaine. On a eu une coupure d’électricité pendant trois jours, beaucoup d’entre nous sont piqués par des insectes sur les bras, les jambes, on a peur des maladies et il y a seulement une douche pour 80 personnes, c’est dur pour l’hygiène…

A la CIMADE, association de défense des droits des étrangers, on salue l’augmentation du nombre de places pour les demandeurs d’asile mais on déplore un manque de concertation et de planification des besoins, et une qualité d’accueil aux normes minimales

On est sur l'hébergement d'urgence alors qu'il y a des niveaux d'accompagnement qui pourraient être mieux dotés pour les personnes en Guyane. On a aussi de l'hébergement qui pourrait être développé dans des lieux isolés et qui suscitent des inquiétudes très fortes de plusieurs de nos associations à Sinnamary et peut-être dans un futur proche à Régina...

Lucie CURET, délégué nationale Région Amériques à la CIMADE

La CIMADE plaide pour la construction d’un CADA, un Centre d’Accueil des Demandeurs d’asile, structure avec un accompagnement plus poussé, qui n’existe pas outremer.

Les demandeurs d'asile des pays arabes toujours plus nombreux

L’augmentation des demandeurs d’asile venus des pays arabes entraîne une montée du taux d’acceptation à l’asile des demandeurs en Guyane : 58,6 % de réponses favorables en 2022, contre 47,38 % l’année précédente, selon la préfecture. Si le taux d’acceptation reste faible chez les ressortissants haïtiens, il dépasse les 90 % pour les demandeurs syriens et palestiniens.
En 2021, 53 afghans sont arrivés sur le territoire en lien avec l’arrivée au pouvoir des Talibans à Kaboul, ils étaient 190 en 2022.
A noter enfin l’arrivée récente de dizaines de Sahraouis, des habitants du Sahara Occidental, région du Maroc dont le Front Polisario revendique l’indépendance.