Serge Mam Lam Fouck et Appolinaire Anakesa réactualisent leur ouvrage. Ils ont eu la bonne idée de le remettre à jour en y ajoutant les mouvements sociaux de mars-avril. "Histoire de la Guyane, du temps des Amérindiens à la crise de mars-avril 2017", vient de sortir aux éditions Ibis rouge.
La Guyane, terre amérindienne au fur et à mesure des tentatives de peuplement et de développement est devenue au fil des siècles, la Guyane d’aujourd'hui. L’histoire telle qu’elle est restituée par Serge Mam Lam Fouck ne se cherche pas dans les détails, mais dans des faits écrits et avérés. L’historien est un chercheur, un enquêteur. Il fouille, recoupe, enquête, replace les pièces du puzzle, raisonne, tire des conclusions.
Serge Mam Lam Fouck depuis des années traque l’histoire et la restitue. Noble tâche. C’est de nouveau le cas, avec la réactualisation de son ouvrage sur l’histoire de la Guyane. "Histoire de la Guyane du temps des Amérindiens à la crise de mars-avril 2017" paru aux éditions Ibis rouge dans la catégorie Espace outre-mer. Un ouvrage fouillé, étayé, un livre de chevet pour tous ceux qui veulent comprendre comment et sur quel socle se construit la Guyane. Cette histoire avec un grand H, se raconte, se narre en se basant sur des faits vérifiés.
Il y a l’histoire immédiate : la décolonisation, la départementalisation, la fusion des collectivités régionales et départementales... Et l’autre, sans doute la plus importante : la base, les racines d’un peuple et d’une contrée.
Ce ciment, cette première couche, détermine le présent, et peut amener à discerner, au delà du voile, le grand destin à venir.
Aujourd’hui à froid, il est nécessaire de les analyser. Les auteurs tentent de comprendre les origines de ce grand sursaut éruptif, ce grand réveil collectif. La belle Guyane endormie, s'est un temps libérée de ses chaînes.
Selon Serge Mam Lam Fouck "les générations nées à partir des années 1970 ont constitué le fer de lance de la grande protestation collective de mars-avril 2017. Des générations pour lesquelles le système socio-économique qui s’était imposé jusque-là semble avoir atteint ses limites".
"Histoire de la Guyane, du temps des Amérindiens à la crise de mars-avril 2017" de Serge Mam Lam Fouck et Apollinaire Anakesa dans la collection Espace outre-mer des éditions Ibis rouge.Serge Mam Lam Fouck est professeur émérite en histoire contemporaine à l'Université de Guyane. Il a écrit de nombreux ouvrages. Il répond aux questions de Marie-Claude Thébia.
MCT : Ce livre est une mine d’informations, à qui est-il destiné ?
SMLF: Il s’agit d’une synthèse historique, c’est-à-dire d’un ouvrage qui donne une vue d’ensemble de l’histoire de la Guyane, en en soulignant les évolutions majeures. Un tel ouvrage s’adresse aussi bien au grand public désireux de saisir l’histoire de la Guyane en un seul mouvement, qu’à des chercheurs et des étudiants, recherchant une première approche de cette histoire. La première édition de cet ouvrage date de 1996. Nous l’avons largement enrichie.
MCT : En quoi la crise de mars-avril 2017 est-elle si majeure dans l’histoire contemporaine de la Guyane ?
SMLF: Ce qui frappe dans cette crise sociale, c’est son exceptionnelle dimension spatiale, culturelle et socioprofessionnelle. Pour la première fois dans l’histoire du pays, tout l’espace guyanais s’est engagé dans la « mobilisation » et non pas seulement comme à l’accoutumée le Littoral, et plus particulièrement Cayenne ; toutes les composantes socioculturelles y ont participé, et toutes les catégories professionnelles ont fait connaître leurs revendications.
MCT : Vous avez ajouté à vos travaux antérieurs, une analyse des mouvements sociaux de mars-avril 2017, c’est une suite logique ?
SMLF : Comme nous le développons dans l’ouvrage, la crise de mars-avril 2017, a jeté une vive lumière sur des problèmes socioéconomiques qui minent la société guyanaise contemporaine depuis la départementalisation de 1946. Elle renvoie en fait à la manière dont s’est construite la société guyanaise. La crise de mars-avril 2017 est en effet tout entière chargée d’une histoire plongeant ses racines dans le temps des Amérindiens, avant que ne débute la colonisation française, dans celui des tribulations de la longue période coloniale (1676-1946), et plus récemment dans les mutations démographiques et culturelles qui ont bouleversé la société guyanaise à partir du début des années 1970.
MCT : -Pensez-vous, avec votre regard d’historien, que cette crise majeure pour la Guyane était prévisible ?
SMLF : Bien entendu. Ce type de crise sociale est en fait récurrent dans l’histoire politique et sociale de l’ensemble des collectivités territoriales de l’outre-mer français. Ces crises qui reviennent donc périodiquement sont provoquées par le fossé qui s’est creusé entre les espoirs de changements économiques et sociaux, suscités par les promesses de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, et les réalités de la vie des hommes et des femmes, qui attendent de l’application de cette loi un alignement sur le niveau de vie de la France. Or le niveau de vie des Guyanais est loin de s’apparenter à celui des régions de France, dont les aménagements et les activités demeurent la référence dans l’imaginaire du plus grand nombre ».
MCT : - Comment avez-vous effectué vos recherches ? Quels sont les documents qui vous ont inspiré ?
SMLF : L’ouvrage étant une synthèse, les informations qui s’y trouvent viennent de travaux de chercheurs en sciences humaines et sociales, dont les nôtres (les miens et ceux d’Apollinaire Anakesa), complétés par des sources plus particulièrement consultées pour la réalisation de cet ouvrage : des sources provenant de fonds d’archives que l’on trouve en Guyane, en France, au Brésil ou ailleurs, des documents produits par les administrations, les entreprises et les personnes privées, la presse…
MCT :-Et aujourd’hui, pensez-vous que les Accords de Guyane et le plan d’urgence vont tout régler ? Quelle est selon vous, au regard de l’histoire, votre analyse de l’évolution de la société guyanaise dans vingt ans ?
SMLF : Les politiques publiques engagées à la suite du mouvement de mars-avril 2017 amélioreront les conditions de vie des Guyanais dans des secteurs comme celui de l’éducation, de la santé et partiellement dans celui des infrastructures de communication. Mais les problèmes économiques et sociaux de la Guyane sont si anciens et si complexes, qu’il ne sera pas possible de « tout régler » rapidement. Il est très difficile de passer d’une économie de transfert (dépenses publiques de fonctionnement, d’investissement ; protection sociale) à une situation où la production jouera un rôle majeur dans la vie économique de la Guyane. C’est pourtant à cette exaltante tâche que nous devons tous nous atteler.
Traqueur d'histoire
Serge Mam Lam Fouck depuis des années traque l’histoire et la restitue. Noble tâche. C’est de nouveau le cas, avec la réactualisation de son ouvrage sur l’histoire de la Guyane. "Histoire de la Guyane du temps des Amérindiens à la crise de mars-avril 2017" paru aux éditions Ibis rouge dans la catégorie Espace outre-mer. Un ouvrage fouillé, étayé, un livre de chevet pour tous ceux qui veulent comprendre comment et sur quel socle se construit la Guyane. Cette histoire avec un grand H, se raconte, se narre en se basant sur des faits vérifiés.Un grand destin
La Guyane a un passé, une histoire souvent écrite à plusieurs mains, ou basée sur la tradition orale des multiples communautés enracinées dans ce pays. Mis bout à bout, le fil des événements, renforce la compréhension de la situation dans laquelle se trouve actuellement le pays Guyane.Il y a l’histoire immédiate : la décolonisation, la départementalisation, la fusion des collectivités régionales et départementales... Et l’autre, sans doute la plus importante : la base, les racines d’un peuple et d’une contrée.
Ce ciment, cette première couche, détermine le présent, et peut amener à discerner, au delà du voile, le grand destin à venir.
Donner du sens
Ils sont deux auteurs. Il y a aussi, Apollinaire Anakesa, ethnomusicologue. En fin d’ouvrage, il présente un choix d’objets du patrimoine qui donne du sens. "On notera qu’en Guyane …l’attachement au passé et aux traditions revêt une importance capitale, cet attachement est accompagné d’une prégnance symbolique des liens avec les ancêtres "Chape de plomb
Les auteurs ont rajouté un chapitre sur la crise sociale de mars-avril 2017. Des mouvements qui ont défrayé la chronique ici et ailleurs.Aujourd’hui à froid, il est nécessaire de les analyser. Les auteurs tentent de comprendre les origines de ce grand sursaut éruptif, ce grand réveil collectif. La belle Guyane endormie, s'est un temps libérée de ses chaînes.
Selon Serge Mam Lam Fouck "les générations nées à partir des années 1970 ont constitué le fer de lance de la grande protestation collective de mars-avril 2017. Des générations pour lesquelles le système socio-économique qui s’était imposé jusque-là semble avoir atteint ses limites".
"Histoire de la Guyane, du temps des Amérindiens à la crise de mars-avril 2017" de Serge Mam Lam Fouck et Apollinaire Anakesa dans la collection Espace outre-mer des éditions Ibis rouge.Serge Mam Lam Fouck est professeur émérite en histoire contemporaine à l'Université de Guyane. Il a écrit de nombreux ouvrages. Il répond aux questions de Marie-Claude Thébia.
MCT : Ce livre est une mine d’informations, à qui est-il destiné ?
SMLF: Il s’agit d’une synthèse historique, c’est-à-dire d’un ouvrage qui donne une vue d’ensemble de l’histoire de la Guyane, en en soulignant les évolutions majeures. Un tel ouvrage s’adresse aussi bien au grand public désireux de saisir l’histoire de la Guyane en un seul mouvement, qu’à des chercheurs et des étudiants, recherchant une première approche de cette histoire. La première édition de cet ouvrage date de 1996. Nous l’avons largement enrichie.
MCT : En quoi la crise de mars-avril 2017 est-elle si majeure dans l’histoire contemporaine de la Guyane ?
SMLF: Ce qui frappe dans cette crise sociale, c’est son exceptionnelle dimension spatiale, culturelle et socioprofessionnelle. Pour la première fois dans l’histoire du pays, tout l’espace guyanais s’est engagé dans la « mobilisation » et non pas seulement comme à l’accoutumée le Littoral, et plus particulièrement Cayenne ; toutes les composantes socioculturelles y ont participé, et toutes les catégories professionnelles ont fait connaître leurs revendications.
MCT : Vous avez ajouté à vos travaux antérieurs, une analyse des mouvements sociaux de mars-avril 2017, c’est une suite logique ?
SMLF : Comme nous le développons dans l’ouvrage, la crise de mars-avril 2017, a jeté une vive lumière sur des problèmes socioéconomiques qui minent la société guyanaise contemporaine depuis la départementalisation de 1946. Elle renvoie en fait à la manière dont s’est construite la société guyanaise. La crise de mars-avril 2017 est en effet tout entière chargée d’une histoire plongeant ses racines dans le temps des Amérindiens, avant que ne débute la colonisation française, dans celui des tribulations de la longue période coloniale (1676-1946), et plus récemment dans les mutations démographiques et culturelles qui ont bouleversé la société guyanaise à partir du début des années 1970.
MCT : -Pensez-vous, avec votre regard d’historien, que cette crise majeure pour la Guyane était prévisible ?
SMLF : Bien entendu. Ce type de crise sociale est en fait récurrent dans l’histoire politique et sociale de l’ensemble des collectivités territoriales de l’outre-mer français. Ces crises qui reviennent donc périodiquement sont provoquées par le fossé qui s’est creusé entre les espoirs de changements économiques et sociaux, suscités par les promesses de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, et les réalités de la vie des hommes et des femmes, qui attendent de l’application de cette loi un alignement sur le niveau de vie de la France. Or le niveau de vie des Guyanais est loin de s’apparenter à celui des régions de France, dont les aménagements et les activités demeurent la référence dans l’imaginaire du plus grand nombre ».
MCT : - Comment avez-vous effectué vos recherches ? Quels sont les documents qui vous ont inspiré ?
SMLF : L’ouvrage étant une synthèse, les informations qui s’y trouvent viennent de travaux de chercheurs en sciences humaines et sociales, dont les nôtres (les miens et ceux d’Apollinaire Anakesa), complétés par des sources plus particulièrement consultées pour la réalisation de cet ouvrage : des sources provenant de fonds d’archives que l’on trouve en Guyane, en France, au Brésil ou ailleurs, des documents produits par les administrations, les entreprises et les personnes privées, la presse…
MCT :-Et aujourd’hui, pensez-vous que les Accords de Guyane et le plan d’urgence vont tout régler ? Quelle est selon vous, au regard de l’histoire, votre analyse de l’évolution de la société guyanaise dans vingt ans ?
SMLF : Les politiques publiques engagées à la suite du mouvement de mars-avril 2017 amélioreront les conditions de vie des Guyanais dans des secteurs comme celui de l’éducation, de la santé et partiellement dans celui des infrastructures de communication. Mais les problèmes économiques et sociaux de la Guyane sont si anciens et si complexes, qu’il ne sera pas possible de « tout régler » rapidement. Il est très difficile de passer d’une économie de transfert (dépenses publiques de fonctionnement, d’investissement ; protection sociale) à une situation où la production jouera un rôle majeur dans la vie économique de la Guyane. C’est pourtant à cette exaltante tâche que nous devons tous nous atteler.