C'est un vétéran de la lutte pour les droits amérindiens qui s'est éteint le 15 mars 2024. Né en 1957 dans une famille Kali’na à Awala Yalimapo, Jean-Pierre Joseph a participé aux premières heures du mouvement amérindien dans les années 80 et à la lutte pour la reconnaissance des droits autochtones sur les terres guyanaises.
En 1987, il fait notamment partie des militants qui ont interpellé le préfet de Guyane afin que le décret reconnaissant les droits d’usages collectifs sur les terrains domaniaux, signé par Jacques Chirac la même année, soit réellement appliqué.
Restitution des terres
Son impact a très vite été visible localement. C'est grâce à Jean-Pierre Joseph, cofondateur de l'association Abakani que le village de Paddock, dans la région de Saint-Laurent du Maroni et dont est originaire sa mère, a réussi à se voir restituer 5000 hectares de terres.
« Dès qu’il est rentré des études en métropole, il s’est lancé dans ce combat qui a été très long. L'association réclamait aussi une concession que le village n’a obtenue que l’année dernière », se souvient Franck Appolinaire, qui l’a côtoyé à plusieurs rendez-vous de la cause autochtone.
Depuis les années 80 et son engagement sur la question foncière, Jean-Pierre Joseph n'a cessé d'être le compagnon de route de plusieurs figures majeures de la cause amérindienne, dont les frères Félix et Alexis Tiouka, Paul Henri, Thomas Appolinaire ou encore Michel Thérèse.
Au cours de sa vie, le militant Kali'na, père de quatre enfants, a connu plusieurs postes de responsabilité. Il a notamment été collaborateur aux affaires amérindiennes à la mairie de Saint Laurent et directeur de cabinet à celle de Camopi.
En 1996 c’est lui que l’on nomme secrétaire général pour la mise en place de la symbolique cérémonie du 500 ème anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb sur le continent américain. Plus récemment, la Guyane lui doit aussi la mise en place des journées des peuples autochtones à Cayenne de 2012 à 2017.
Centre Kalawachi
Son héritage principal restera sans doute le centre amérindien Kalawachi, près de Kourou. Après des années de lutte aux côtés de sa femme et de son frère pour obtenir des terrains et des financements, le centre a pu être inauguré en 2009. Il vise à « promouvoir la culture amérindienne dans toute sa diversité ». Un mantra pour Jean-Pierre Joseph.
Depuis son décès, à 67 ans dans l'Hexagone où il vivait depuis plusieurs années avec sa femme, d’origine métropolitaine, les hommages se succèdent. L’association Kalawachi regrette la perte d’un « grand militant de la cause amérindienne », dans une tribune publiée dans France Guyane.
François Ringuer, maire de Kourou loue une « figure emblématique de Kourou » tandis que le Comité de tourisme de Guyane évoque tout « un pan de l’histoire qui s’éteint ». « C’était quelqu’un qui savait parler très sérieusement sur des dossiers compliqués, et la seconde d’après, détendre tout le monde avec une blague. Ça, c’était vraiment son tempérament », se souvient de son côté Franck Appolinaire.
La dernière interview à Guyane la première de Jean-Pierre Joseph s'est aussi faite sous le signe de la lutte. En 2018, il avait soutenu la lutte du village de Paddock contre le projet d'hydrocarbures de la SARA qui menaçait la zone de subsistance des habitants. Le projet a depuis été abandonné.
Ces derniers mois, la cause amérindienne a connu plusieurs deuils avec la disparition d’Henri Joseph, son frère et camarade de lutte puis d'Alexis Tiouka. Les obsèques de Jean-Pierre Joseph ont eu lieu le 21 mars au crématorium de Beaucaire, dans le département du Gard.