Chaque année, à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le SIDA, une vague d’actions préventives submerge le sol guyanais. Et pour cause, notre territoire détient le triste record du département français le plus touché par ce virus. Selon les chiffres de l’ARS, 3300 personnes vivent avec le VIH en Guyane et 10% ignorent qu’elles l’ont contracté. Par ailleurs, 30% des infections sont diagnostiquées à un stade avancé dans la ville de Cayenne. Le chiffre grimpe à 45% à Saint-Laurent du-Maroni, d’après les résultats de Santé Publique France.
Les dépistages en recul à cause du Covid-19
Cette année, le comité de coordination régionale de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et VIH (COREVIH) prévoit un grand nombre d’actions à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le Sida. Des animations, des stands de prévention, des ateliers participatifs, des distributions de préservatifs, des expositions interactives et des stands de dépistages sont prévus toute la semaine. Ces événements auront lieu à Saint-Laurent, Maripa-Soula, Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury, Taluen, Saint-Georges de l’Oyapock, Grand-Santi, Macouria, Sinnamary et Kourou.
Si les actions sont nombreuses, et étendues sur tout le territoire, c’est parce que le nombre de dépistage a fortement baissé ces deux dernières années à cause de la pandémie. Un déficit de 16% par rapport aux dépistages sanguins attendus entre mars 2020 et avril 2021 a été observé. Quant aux autotests, disponibles en pharmacie, leur vente a diminué de 22% en 2020. "La population avait plus de difficultés à se déplacer à cause des couvre-feux et des confinements", explique Louise Mutricy, coordinatrice territoriale du centre littoral du COREVIH.
"Une Guyane sans Sida"
Les membres du COREVIH, qui coordonnent toutes les actions œuvrant pour la prise en charge des personnes qui vivent avec le VIH, croient en une "Guyane sans Sida". "En 2030, pourquoi pas !", confie Louise Mutricy. "Il y a toujours un gros travail de prévention. C’est pour ça qu’il y a beaucoup d’actions cette année", poursuit-elle.
Je souhaite rappeler que les dépistages concernent tout le monde. Normalement, tout le monde devrait y aller chaque année.
La coordinatrice se montre positive pour l’avenir. Et pour cause, il y a de bonnes nouvelles pour la lutte contre le Sida. Elle évoque notamment le remboursement des préservatifs masculins. En effet, depuis décembre 2018, sur présentation d’une prescription d’un médecin ou d’une sage-femme à la pharmacie, ils sont remboursés par l’Assurance Maladie.
Autre amélioration : depuis le 1er juin 2021, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) peut être prescrite par les médecins généralistes. Ce médicament s’adresse aux personnes non-porteuses du VIH. Il permet justement d’en éviter la contamination en cas de potentielle exposition au virus. Avant, pour obtenir une prescription, les patients devaient se rendre en centre gratuit de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ou à l'hôpital.
La Guyane et le VIH en chiffres
Dans un rapport de 2021 sur les inégalités de santé en Guyane, le Haut Conseil de la santé publique dresse l’état des lieux de la situation territoriale sanitaire. Ce dossier de 256 pages, tient compte des données de l’ARS. Il indique que 72% des nouvelles découvertes de VIH impliquent des personnes âgées entre 25-49 ans. Il y a "84 cas dépistés au cours de la grossesse sur 8184 accouchements soit 1,03% des naissances)", lit-on aussi.
En 2018, l’incidence du Sida en Guyane était de 118 pour un million d’habitants. Dans 21% des cas des malades du Sida, le VIH n’avait pas été diagnostiqué. Autre chiffre marquant : le taux de découverte annuel de nouvelles infections est de 896 par million d’habitant. En Hexagone, le taux est à 200. Dans 39% des cas de découverte, le diagnostic est fait à un stade avancé de déficit immunitaire.
Le rapport du Haut Conseil de la santé publique note de "fortes disparités régionales et communautaires de prévention/information dépistage/prise en charge avec populations les plus touchées dans les régions frontalières, isolées et migrants". Le faible nombre "d’études socio-comportementales, sociales, anthropologiques, en particulier auprès des populations les plus vulnérables" est aussi pointé du doigt.