Ils s’appellent Earl, Kevin, Jacob, Rodney, Fernand, Sony, Patrick… Certains sont passés par la case prison, ou semblaient sur le point d’en emprunter le chemin. Tous étaient réunis ce jeudi à Rémire-Montjoly pour présenter, sur différents stands, des objets qu’ils ont créés.: sacs, supports garnis de plantes vertes, porte-monnaie, vêtements, décoration...
Earl et les autres sont tous des bénéficiaires de l’association Kairos crée en 2020, mais imaginée dès 2015, à l’initiative de Gueda Gadio, doctorante en sociologie, diplômée en criminologie et désormais directrice de la structure. « Kairos s’occupe de l’insertion des personnes qu’on nomme les "oubliés des radars", c’est-à-dire ceux qui sont peu ou pas accompagnés par les autres structures. »
Accompagner ceux qui sortent de détention
Ceux-là, sortant de prison ou confrontés à la justice, composent deux tiers des personnes suivies par Kairos. L’association propose, entre autres, un accueil de jour, une aide aux démarches administratives, des hébergements, des contrats à durée déterminée d’insertion… Kairos participe aussi une fois par mois aux commissions de sortie au centre pénitentiaire de Guyane et distribue des kits d’hygiène aux personnes sortantes. Avec une particularité : ces kits comprennant brosse, à dents, dentifrice, savon etc., sont fournis dans des sacs réalisés par des personnes en contrat d’insertion au sein de l’association.
Broder, coudre, tailler, peindre…
Des sacs comme ceux-là étaient présentés ce jeudi, aux côtés de d’autres créations. Avec fierté. « Moi, je me suis surtout chargé des logos sur les t-shirts » indique Earl, 22 ans. « Ce n’est pas très compliqué, ça se fait avec la brodeuse ». Le jeune homme prendra même le temps de faire une démonstration avec ladite machine.
Non loin de lui, Kevin, 31 ans, Jacob, 24 ans et Rodney, 20 ans. Eux ont travaillé le bambou. Après l’avoir ramassé, ils ont fait les découpes, dessiné et peint. « Ça demande de la patience… Si jamais tu coupes mal le bambou, tu es obligé de recommencer ! » Sony, 20 ans, a choisi, lui, un dessin d’inspiration tembé. Pas évident sur la surface convexe d’un bambou…
Avec Fernand, 31 ans, il présente le résultat final auquel a été ajoutée une plante suite à une formation en partenariat avec le CFPPA (Centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de Matiti.
La prison : ni fierté, ni honte
Naviguant entre les stands, s’arrêtant çà et là pour accueillir un client ou répondre à une demande d’un bénéficiaire, Gueda Gadio insiste sur un point : « ici, personne ne raconte son problème carcéral. Il n’y a pas de fierté à être allé en prison, ni de honte non plus. »
Futurs travailleurs sociaux, en formation avec l’IRDTS, Travis, Marlène et Cindy ont passé un mois à Kairos. Ce sont eux qui ont aidé à monter le projet d’expo-vente de ce jour.
« Nous les avons aidés pour les créations et dans l’aspect technique, précise Cindy. Ils ont beaucoup de potentiel et de savoir-faire qui ne sont pas assez mis en avant. »
Il y en a qui rêvent de s’acheter une machine à coudre
Maguette Ly, couturier
Guidés par Maguette Ly, tous les bénéficiaires ont appris à manier les machines. « Personne n’est venu avec une expérience d’enfilage d’aiguille » plaisante le couturier. « Pour certains, c’était compliqué, il y avait parfois un problème d’illétrisme. Mais aujourd’hui, il y en a qui rêvent désormais de s’acheter une machine à coudre ! »
Bientôt une place au marché?
Réaliser ensemble des objets permet la cohésion du groupe, mais valorise aussi chacun individuellement. « On travaille l’estime de soi, indique Gueda Gadio. Mais au bout d’un moment, je leur ai dit qu’on ne pouvait pas coudre juste pour l’estime de soi. » Le groupe a réfléchi puis écrit à la mairie pour demander un stand au marché.
En attendant, le public pourra retrouver leurs créations le 1er décembre au Village de Noël de Roura.