Se rendre au Fort Diamant à Rémire-Montjoly et découvrir l’exposition « A l’ abri des regards » de la photographe Kathryn Vulpillat dans une mise en scène réalisée par l’équipe des « Rencontres photographiques », c’est se plonger au cœur d’une certaine Guyane dans une atmosphère de tranquillité et de douceur qui semble désormais révolue.
Ce qui fait dire à un visiteur féru de photographie :
« Après une première tentative infructueuse, c’était un lundi, je suis retourné au Fort Diamant, pour découvrir "À l’abri des regards" de Kathryn Vulpillat, j’ai bien fait. La présentation parle de « ses clichés doux » ce qui est juste, mais j’ajouterai que l’on ressent dans ce hors-champ, ici non nommé, le regard toujours bienveillant de la photographe. Je revois un Régina que j’ai connu sans route, sans télévision mais plein de vie, de jeunesse et d’allégresse. Une nostalgie heureuse émane de ces portraits et de ces paysages que l’on sait d’une autre époque. La photo de cette future jeune maman, nue, assise au bord d’une crique, avec ces deux enfants intrigués par son ventre arrondi est parfaitement emblématique de l’esprit de cette collection où le bonheur émerge, naturellement, de la simplicité même de la vie. »
« J’ai appris à apprécier ce qui était nécessaire pour vivre : avoir un toit et manger »
Kathryn Vulpillat est honorée d’avoir pu bénéficier du cadre historique du Fort Diamant : « On m’a octroyé tout l’espace du Fort Diamant et j’en suis très honorée. Mes photos sont des scènes de vie des années 80 à Régina mais cela aurait pu se passer dans n’importe quelque autre petite commune en Guyane car on vivait comme dans une grande famille. Régina était enclavée, on y venait en avion ou par la piste. Il fallait avoir envie d’y venir, il y avait peu de passages. Cela m’a plu. Je vivais sur le fleuve Approuague avec mon compagnon dans un carbet sur une île entre les sauts Mapaou et Athanase. J’ai appris à apprécier ce qui était nécessaire pour vivre : avoir un toit et manger. »
De cette expérience au plus près de la nature et des gens, cette Guyanaise d’adoption s’en fait avec ses photos, la porte-parole. Elle retient de cette période :
« …L’aventure, j’ai découvert beaucoup de choses, une grande liberté surtout. Je suis partie de France pour faire le tour du monde en voilier et puis j’ai rencontré le père de mes filles et suis restée en Guyane et j’ai découvert la forêt. C’est quelque chose que je n’aurai peut-être pas pu vivre aujourd’hui. Je suis heureuse d'avoir vécu cela et d’avoir élevé mes enfants dans cette petite commune où l’on avait les vraies bases de ce qu’est la vie »
Photographe dès l’âge de 9 ans
Cette écologiste avant l’heure a découvert la photo à 9 ans très jeune en maison de quartier, a eu son premier appareil Réflex à l’âge de 12 ans et un labo photo dans le grenier de la maison familiale. Les repas de famille lui ont permis d’exercer son œil, sa capacité à saisir des instants de vie. Son appareil photo l’accompagnait partout. Les gens aimaient poser à la sortie de la messe, bien habillés ou à l’arrivée de la chasse. Elle était la photographe du village.
En Guyane, tout lui a semblé intéressant à fixer sur l’image : « Régina c’était une grande famille. J’ai été tellement bien accueillie. Tous les gens étaient comme mes oncles, tantes. Quand il y avait des photos à faire, on faisait appel à moi et de toutes les façons j’étais la seule à avoir un appareil photo dans le village d’environ 80 personnes. »
Une mise à l’honneur qui ouvre des perspectives
Sa participation à cette biennale de la photo, cette Guyanaise d’adoption n’imaginait pas que cela lui procurerait autant de plaisir et d’émotions. Parmi les visiteurs, des gens de Régina qui se sont reconnus, eux aussi très émus de revivre leur propre histoire sur les murs du Fort Diamant.
Être mise à l’honneur après un si long exercice de la photographie (50 ans) touche profondément Kathryn Vulpillat. Revoir ses photos agrandies si bien valorisées, une grande partie de sa vie ainsi révélée, l’a émue aux larmes.
Sans recherche de gloire et s’effaçant toujours derrière les autres, cette mise en lumière auprès d’une autre génération de photographes, beaucoup plus jeunes, qui exposent dans le monde entier, étonne et même bouleverse Kathryn.
« D’avoir rencontré tous ces jeunes photographes, toute cette fraicheur, toute cette énergie grâce à l’équipe des Rencontres Photographiques me redonne confiance. C’est une très belle reconnaissance ».
L'exposition est visible jusqu'au 9 décembre