L'affaire des quatre manifestants - condamnés à des peines de prison ferme pour dégradation de la préfecture - examinée ce lundi par la cour d’appel de Cayenne

Six avocats pour ce nouveau procès en appel, dont le très médiatique Juan Branco du barreau de Paris. L’audience en appel de trois membres des 500 frères et d’un syndicaliste de l’UTG s'ouvrira à 14h.
Juan Branco avocat au barreau de Paris

Six avocats pour ce nouveau procès en appel : Sarah Aristide et Evita Chevry, du barreau de Guadeloupe, Maryse Sagne du barreau de Cayenne, en renfort d' Alex Leblanc et  Lucie Louze-Donzenac, les deux avocats présents au procès de première instance enfin le très médiatique Juan Branco du barreau de Paris. C’est un procès très attendu qui débutera à 14h, ce lundi à la cour d'appel de Cayenne : l’audience en appel de trois membres des 500 frères et d’un syndicaliste de l’UTG. Ils sont incarcérés suite à l'incendie d’une partie de la façade de la préfecture en juillet 2020. 

L'affaire

Le 14 octobre, trois des quatre militants ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Le 4ème a écopé de 12 mois de prison. Les trois membres des 500 frères sont condamnés à 18 mois de prison ferme et cinq ans de privation des droits civiques pour détérioration d’un bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes.

Le 21 juillet 2020, une petite partie de la façade de la préfecture prend feu, un bâtiment classé monument historique, propriété de la CTG, occupé par l’Etat. Au terme d’une manifestation à l’appel du Mayouri Santé et de l’UTG, le collectif demande à être reçu par le préfet, il s’agit de demander des comptes sur la motion des élus réclamant plus de moyens face à la crise sanitaire. L’attente se prolonge…

Des vidéos accablantes

L’enquête menée notamment sur la base de la vidéo surveillance de la ville de Cayenne et d’autres vidéos tournées ce jour-là identifie deux véhicules qui ont amené du matériel empilé au pied du bâtiment. Dix palettes, des pneus, du carton, arrosé d’essence. Ces véhicules appartiennent à Gilles Beaudi, syndicaliste UTG des services municipaux et à Stéphane Palmot, président de l’association des 500 frères. Sur les vidéos, on voit aussi Marchener Alexander, membre de l’association, décharger le matériel et le positionner devant la préfecture, Richard Cimonard, vice président des 500 frères, apparait versant du gasoil, ce qu’il conteste. Marchener Alexander et Stéphane Palmot sont identifiés parmi les incendiaires, ce que ce dernier réfute… 

De lourdes peines

Le 14 octobre, scènes de protestations devant le tribunal. La Guyane s'embrase.

Les trois membres des 500 frères sont condamnés à 18 mois de prison ferme et cinq ans de privation des droits civiques pour détérioration d’un bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes. Gilles Beaudi est reconnu coupable de complicité, pour avoir acheminé les palettes et les pneus. Il écope de douze mois de prison. Tous sont placés sous mandat de dépôt et incarcérés au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly. 

Les arguments juridiques pour expliquer le premier jugement :
  • Comment peut-on expliquer ces peines ?

Les juges se sont fondés sur l’enquête et les déclarations des prévenus à l’audience du 14 octobre. Ils ont suivi en partie les réquisitions du procureur sur  la gravité des faits et le caractère intentionnel de l’incendie du 21 juillet 2020.

Selon les motifs du jugement, les quatre personnes condamnées avaient bien le projet concerté d’incendier la façade de la préfecture…Dix palettes, des pneus et du carton arrosés d’essence placés au pied du bâtiment, dont le balcon est en bois…Sans compter la présence sur place des militants attestée par les vidéos, des témoignages et des aveux pour certains…

  • Comment peut-on expliquer le placement en détention ?

Ce qui est rare dans ce type d’affaire et a pu donc sembler sévère aux proches des militants et à leurs soutiens, c’est le placement sous mandat de dépôt des intéressés, c’est-à-dire l’incarcération immédiate après le prononcé du délibéré à l’audience. Cette disposition vise à faire face au risque de fuite des condamnés et/ou à la réitération des faits. En matière correctionnelle, elle est plutôt appliquée aux délinquants sanctionnés pour des délits plus courants (vols, violences…), avec risque de réitération. Or, en l’espèce, les quatre militants sont des personnes « intégrées » dans la société guyanaise. Ils exercent les professions d’employé municipal, artisan, animateur et chauffeur, ne vivent pas de la délinquance. Malgré tout, en première instance, les juges ont estimé « qu’il y avait lieu de décerner un mandat de dépôt afin de garantir l’exécution effective de la peine et pour éviter tout renouvellement des faits eu égard au contexte sanitaire, économique et social actuel, l’association les 500 frères -ou le syndicat UTG - participant à la caravane de la liberté, particulièrement active lors des actuelles manifestations ».  

Le fait que trois prévenus sur quatre (Marchener Alexander, Richard Cimonard, Gilles Beaudi) aient déjà été condamnés par la justice est aussi un facteur défavorable. Enfin, la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, baisse le seuil d’aménagement des peines de deux ans à un an. 

A noter enfin que le placement sous mandat de dépôt après le délibéré ne permet pas de bénéficier de l’effet suspensif des peines déclenché par l'appel : sans cette disposition, les militants auraient pu attendre leur procès en appel en restant libres, sous contrôle judiciaire dans cette hypothèse.