L'association Gastronomie Guyanaise : zoom sur une institution patrimoniale qui rayonne depuis bientôt 40 ans

Le traditionnel jambon de Noël en Guyane
Véritable association patrimoniale, « La gastronomie guyanaise » va fêter ses 40 ans d’existence en juillet 2023. Depuis mars 2022, Beaitha Nestor en assume la présidence, une mission longtemps exercée par Rosange Lhuerre. Dans une interview croisée ces deux femmes attachées à la connaissance et à la transmission de la cuisine traditionnelle créole nous font découvrir les arcanes d’un univers culinaire exigeant mais passionnant.

 « L’idée est venue de notre célèbre Régine Horth qui s’est inspirée de l’action des cuisinières de la Guadeloupe. L’association « Gastronomie Guyanaise » a été créée en 1983 avec un groupe de personnes sélectionnées par Régine. »

Rosange Lhuerre a découvert La Gastronomie Guyanaise durant son activité professionnelle lors de la réalisation d’émissions avec l’animatrice Cornélia Birba.

A cette époque, les actions de La Gastronomie guyanaise étaient axées sur des prestations pour les fêtes communales et sur les marchés. Toutefois, l'association avait aussi mené des actions extérieures dans l'hexagone et aux Antilles en y rencontrant un franc succès. 

Petit à petit, Rosange bien chaperonnée par une cuisinière émérite, Mme Louise Malacarnet, intègre le groupe. En 2009, elle accepte le poste de présidente pour 2 ans afin de poursuivre le travail entamé. Elle avait des objectifs précis dont celui de créer des événements valorisant l’association autant en Guyane qu’à l’extérieur en France, aux Antilles, dans le monde. Son mandat a été constamment renouvelé.

Actuellement, l’association dont la dimension régionale n'est plus à démonter jouit d'une excellente réputation nationale et internationale. Une fierté pour Rosange :

Rosange Luherre, membre de la Gastronomie Guyanaise et ancienne présidente

« Nous sommes allés dans des pays étrangers, souvent au Brésil, à Trinidad, à Sainte-Lucie, au Guyana, au Suriname. En France nous avons participé à la foire de Bordeaux, le salon Top Reza. Chaque année, nous avions des échanges avec la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Nous voudrions maintenant calquer le modèle guadeloupéen et inciter à la création d’associations culinaires dans les communes que nous fédérerions.»

La Gastronomie Guyanaise joue un rôle de découverte, de présentation des plats guyanais à l’extérieur de la région. Elle s’appuie sur des recettes purement traditionnelles, les plus représentatives notamment. Aux Antilles, par exemple, face au fameux court bouillon de poisson, la  Gastronomie Guyanaise présente la pimentade. Il en est de même pour le colombo, le calalou ou encore le macadam de morue autant de plats qui ont la même appellation mais se préparent de façon différente.

Fêter les 40 ans de la Gastronomie Guyanaise en juillet 2023 et assurer la relève

La longévité de la Gastronomie Guyanaise est basée sur l’engagement de ses membres, essentiellement des femmes qui ont un savoir-faire et acceptent la charge induite par la fonction cuisine. Pour chaque manifestation, il faut se lever très tôt pour préparer les plats et terminer très tard. Dans les déplacements, ce sont des très longues journées de travail exactement comme pour des professionnels et qu’il faut assumer. Cela rebute souvent les jeunes, précise Rosange Luherre.

Ambassadrice de l’Académie de l’Art culinaire du monde créole pour la Guyane, elle a permis à l’association de recevoir le trophée d’honneur de la cuisine créole à la mairie de Paris en 2018.

Aujourd’hui Rosange après 15 ans de présidence a laissé la place à la relève.

Beaitha Nestor qui a repris le flambeau en mars 2022, s’attelle à une lourde tâche : faire perdurer l’association et amener du sang neuf en respectant les principes intrinsèques, notamment  le rayonnement de la cuisine traditionnelle guyanaise.
Membre depuis 2018 et marrainée par Rosange Lhuerre, Beaitha souhaitait s’engager sur le plan associatif à un double titre :

Beaitha Nestor, présidente de l'association Gastronomie Guyanaise

« Je suis entourée de deux grandes cuisinières, ma mère Simone et ma tante Mindred. Deux femmes qui ont toujours fait la cuisine et pour moi faire partie de l’association c’était aussi une façon de leur rendre hommage et de conforter tout ce qu’elles m’ont appris tout en progressant sur le plan culinaire et humain »

Etre maintenant à la tête de cette véritable institution est un challenge à relever pour la nouvelle présidente. Elle se sent néanmoins armée car bien entourée par les anciens et compte aussi sur ses qualités d’organisatrice. Il y aura une continuité pour les actions de terrain comme les marchés, les salons, tous les événements privés pour lesquels l’association est sollicitée. Mais il faut aussi tenter d’innover et construire un projet pour le long terme.
Des concours seront organisés pour amener des jeunes à s'intéresser à leur patrimoine culinaire et à s'investir pour le préserver.

Une grande manifestation pour fêter les 40 ans de l'association

Pour fêter les 40 ans, un vaste programme sera mis en place. Des invitations ont été lancées à des associations du Brésil, de la Dominique, de la Martinique et de la Guadeloupe et des régions de France.

Une collaboration fructueuse existe avec les autres associations de Guyane comme les Toques Guyanaises ou encore les restaurateurs. Il y a eu récemment un partenariat avec un hôtel de Kourou pour la tenue d’ateliers culinaires avec la confection de plats comme le bouillon d’awara, le macadam de morue, le concombre « long ». Les échanges avec la section hôtellerie du lycée Melkior et Garré sont permanents.
La mission de la Gastronomie Guyanaise est de veiller impérativement au respect des traditions. Elle se trouve donc régulièrement sollicitée pour faire partie de jurys pour les examens et concours de tous ordres.

Actuellement, l'association, compte une quinzaine de membres actifs. Le siège se trouve à Matoury dans un local situé dans un ancien restaurant, rénové et aménagé par la mairie. C’était un outil essentiel pour ces cuisinières. Cela a permis  d’y organiser un « Chanté Nwel » au début du mois. 

Rosange et Beaitha ont un goût commun pour le poisson. Le plat préféré de Rosange est la pimentade Ti djol et celui de Beaitha est la pimentade de machoiran jaune accompagnée de son riz et de ses bananes frites.

Mais pour Noël, nos cuisinières s'accordent et proposent comme le menu traditionnel pour le repas du réveillon :

  • Un assortiment d'entrées avec des pâtés au corned beef, du jambon de Noël et du boudin rouge 
  • Une soupe grasse avec des pieds de veau, de la viande boeuf et des légumes ensuite. La soupe aux oignons est aussi de mise pour le réveillon dans certains foyers.
  • Les huitres de Montsinéry sont également au menu 
  • La fricassée de poule ou d'oie est servie avec du riz

Pour le dessert, un sorbet est dégusté avec de "gros gateaux" comme le "bedingwel". La bûche étant un apport très récent.
Et le lendemain, normalement, la famille déguste le colombo de porc.