Les archives de Guyane n'ont pas fini de révéler les trésors du patrimoine guyanais. L'histoire de Lionel Sugat en est la parfaite illustration.
Qui est ce Guyanais, auteur de 250 partitions retrouvées dans les archives du musicien Maximilien Saba? Un fonds remis au service des archives de la Guyane par Monsieur Omer Miranda en 1988.
250 partitions mises à jour
L'archiviste, Rémy Péru-Dumesnil, qui travaille sur la mise à jour de ce fonds, à son classement, n'a pas encore dénoué tous les méandres de cette histoire. Mais, les premiers éléments découverts méritent déjà dêtre connus du grand public.
Si l'on connait mieux maintenant, le musicien, compositeur Maximilien Saba et son oeuvre touffue, dense, il reste encore à apprendre sur lui. Quel était son lien avec Marie-Joseph Lionel Sugat? Rien ne transpire dans les documents retrouvés dans ce fameux fonds d'archives. Mais il existe bien, à l'intérieur, 250 partitions signées Marie-Joseph Lionel Sugat, un compositeur jusqu'alors inconnu.
Rémy Péru-Dumesnil a donc mené l'enquête. Il retrouve toute l'histoire familiale de cet homme, Sugat. Il est bien né en Guyane le 25 avril 1855 de parents guyanais, anciens esclaves, nouveaux libres en 1848. La famille est originaire de Roura. Marie-Joseph Lionel Sugat a eu un frère et une soeur.
Un fonctionnaire qui n'est pas exemplaire
Grace aux archives des Outre-mer, notre archiviste a accès au "dossier de carrière" de Marie-Joseph Lionel Sugat. C'est un commis de 1e classe de l'administration pénitentiaire qui a effectué une grande partie de sa carrière en Nouvelle Calédonie.
Personnalité complexe, Sugat est souvent en conflit avec ses collègues et sa hiérarchie. C'est un homme endetté souvent poursuivi par ses créanciers qui le relancent auprès de son administration laquelle, finira, par lui proposer une retraite d'office. Il a alors 49 ans.
Dans cette colonie, il a exercé ses talents de compositeur et offert un certain nombre de ses compositions pour piano à des femmes qui, généralement, évoluent aussi dans le milieu de la justice.
Un fonds très varié de partitions pour piano
Revenu en Guyane, Lional Sugat et son épouse (il a été marié deux fois) fréquente la société bourgeoise des mulâtres. Il assume une charge d'huissier et donne des cours de piano. A cette époque, il se lie d'amitié avec Maximilien Saba qu'il admire beaucoup.
Il continue de composer pour un instrument unique : le piano. Des valses, des polkas, des mazurkas.... Son éclectisme est grand, traversant les époques, il compose également, des tangos ou encore des charlestons.
C'est un passionné, un musicien talentueux. Je ne sais pas où il a appris la musique sans doute à l'école des frères de Ploërmel comme Maximilien Saba. Pourquoi? A cette époque en Guyane, cela est possible, peut-être par l'entregent d'un mécène. Il apprend non seulement le piano et surtout la composition... le monde de la théorie musicale.
Ce musicien est aussi un excellent copiste qui réalise lui-même ses partitions, avec une maestria rare.
Aucune photo n'a été retrouvée de Lionel Sugat qui n'a jamais publié sa musique.
Il meurt le 1er Juin 1943 à Cayenne. Sa sépulture se trouve au cimetière de l'avenue d'Estrée. Officiellement, il n'a pas laissé de descendance.
Son oeuvre révélée au grand jour est désormais accessible aux archives de la Guyane à l'intérieur du fonds Maximilien Saba.
Une conférence musicale le 8 juillet
Cette histoire singulière, d'un musicien, fils d'esclave, sortie des fonds archivistiques de Guyane, fait donc l'objet d'une conférence musicale ce 8 juillet à la Maison des Cultures et mémoire de Guyane. Rémy Péru-Dumesnil, archiviste et doctorant en histoire à la Sorbonne, retracera le parcours de Marie-Joseph Lionel Sugat.
Trois pianistes exécuteront quelques oeuvres de ce compositeur qui appartiennent désormais au patrimoine musical de la Guyane : Emmanuel Coulanges - Patricio Malcom Valdes - Aymerick Létard. Sur certains arrangements un peu libres, ils seront accompagnés du vibraphoniste Edel Diaz et du percutionniste Arsène Popo.
Une deuxième édition de cette conférence sera proposée au public au mois de septembre.