La Guyane, dernier arrêt de la mission parlementaire sur l’évolution statutaire

Tematai Legayic, député polynésien et Davy Rimane, député de la 2nde circonscription de Guyane, membres de la mission parlementaire sur l'évolution institutionnelle des Outre-mer, invités de la matinale de ce mardi 16 avril 2024
Mise en place par le député Davy Rimane, président de la délégation Outremer à l’Assemblée Nationale, la mission parlementaire sur l’évolution institutionnelle des Outre-mer, achève cette semaine en Guyane son tour d’horizon des territoires. Prochaine étape : la remise de ses conclusions très prochainement au gouvernement. Un rapport qui doit apporter de la consistance aux échanges sur le projet de réforme constitutionnelle au Parlement.

Après la Réunion, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, les Antilles…la Guyane est donc l’ultime territoire sur lequel les députés membres de la mission parlementaire sur l’évolution institutionnelle des Outre-mer se penchent désormais.
Depuis ce lundi 15 avril, Philippe Gosselin (LR), Tematai Le Gayic (GDR), Guillaume Vuilete (Renaissance) et Davy Rimane (LFI), rencontrent des responsables politiques, économiques et coutumiers du Guyane comme ils l’ont fait partout où ils se sont rendus depuis le mois de février.
Des échanges qui se déroulent essentiellement à Cayenne et qui vont s’achever demain mercredi 17 avril.

« Sachant qu’Emmanuel Macron a ouvert le champ des possibles en se disant prêt à étudier toutes les demandes tant qu’un consensus des acteurs locaux émergeait au préalable, le but pour nous c’était donc de voir chaque territoire, de faire un tour d’horizon afin connaitre les velléités des uns et des autres, leurs aspirations en matière d’évolution statutaire pour pouvoir ensuite faire un rapport exhaustif. Derrière, l’objectif c’est, pour les territoires qui veulent vraiment évoluer de quelque manière que ce soit, que des discussions puissent être engagées avec le gouvernement très rapidement », expliquait Davy Rimane ce mardi matin dans l’émission Invithé-kfé.

A ses côtés sur le plateau, son homologue polynésien Temataï Le Gayic de préciser que cette mission visait avant tout à recueillir des visions et non à imposer la leur.

Tematai Le Gayic

Nous sommes en quelque sorte des greffiers. Nous sommes là pour recueillir les points de vue des responsables politiques, des forces économiques et universitaires de chaque territoire afin de connaître ce qu’ils souhaitent pour leurs pays. Et lorsque l’on voit les heurts qu’il y a eu ces derniers jours à St Laurent du Maroni, reflets des difficultés sociales existantes comme cela peut être le cas à Mayotte ou en Nouvelle-Calédonie, c’est là que l’on voit qu’il n’y a pas d’adaptation des réalités politiques avec les enjeux socioéconomiques de chaque territoire.

Tematai Legayic - député de la Polynésie

Forêt guyanaise de l'Amazonie


La question du foncier, mère de nombreuses difficultés en Guyane

Les premiers échanges effectués avec les acteurs locaux jusque là ont permis de mettre en exergue un certain nombre de difficultés auxquelles se heurte la Guyane. Et il y en a une qui, selon Tematai Legayic tient particulièrement le haut du tableau car elle pourrait être la racine de plusieurs problématiques : « On nous a beaucoup parlé du foncier en Guyane. C’est une question importante parce que c’est grâce à la terre que l’on peut développer son pays…mais s’il n’y a pas de déblocage institutionnel sur ces créations d’activités, et quand on n’arrive pas à apporter des réponses les plus pragmatiques possibles aux populations concernées, on ne va pas réussir à trouver une paix sociale ».

Volonté de changement mais à des degrés différents

Avec la fin de cette mission sonne l’heure du bilan. Et selon les députés, la volonté d’évolution est unanime : « Même si certains territoires nous disent que ça va pour eux, on voit qu’il y a quand même des demandes d’évolution à différents niveaux. Ce qui nous amène à réaliser qu’il n’y a jamais eu de regard stratégique de la part de l’état sur les territoires d’outremer », affirme Davy Rimane.

Davy Rimane à l'Assemblée nationale

Pour le député de la 2nde circonscription, la situation géopolitique de la France actuellement doit donc pouvoir servir de catalyseur aux territoires ultramarins au sujet de leur avenir : « La France évolue dans sa posture car aujourd’hui, elle est en déclin diplomatique dans le monde. Par conséquent elle se rabat sur les territoires d’outremer qui lui confèrent une certaine aura mondiale ».

Le parlementaire d’y voir là une chance pour les territoires de sortir de l’ornière à travers, peut-être, une sorte d’échange de bons procédés : « Il faut en retour trouver la plus-value pour nos territoires, des avancées concrètes. C’est pourquoi les rapports doivent changer maintenant, il faut que les choses évoluent au bénéfice en priorité des territoires qui sont sous-développés pour la majorité ».

Mais avant cela, l’important selon Tematai Legayic, c’est de déconstruire mythes et tabous. L’évolution institutionnelle passerait ainsi d’abord par une évolution des mentalités : « L’évolution institutionnelle ce n’est pas prendre le chemin vers l’indépendance, en tout cas, tout le temps que les populations concernées ne l’ont pas décidé. Ce n'est pas non plus aller vers la déshérence ou vers une république bananière. Et l’indépendantiste que je suis a toujours dit que, tant que le peuple polynésien n’aura pas décidé de son indépendance, nous n’irons pas à marche forcée. En revanche, nous avons réellement besoin d’un ajustement et d’une différenciation par rapport à l’Hexagone ».

"La Guyane n'est pas un pays européen" 

Concernant la Guyane, le député polynésien n’a pas manquer de souligner le positionnement géographique du territoire. Pour lui, le territoire doit être ancré dans son bassin naturel : l’Amérique du Sud : « Lorsque l’on entend les acteurs économiques, tout comme les acteurs politiques, dire qu’il y a un besoin de développement des relations avec les pays voisins comme le Suriname ou le Brésil, mais que les normes européennes ne sont pas adaptées aux enjeux économiques de la Guyane, on voit bien qu’il faut une différenciation ».

Et c’est le cas notamment chez lui en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie, souvent cités en exemple lorsque revient le sujet de l’évolution statutaire.

Dans nos assemblées, nous votons des textes à valeur législative. Nous créons nos propres normes pour nos territoires. Par exemple, nous sommes bel et bien dans la République Française mais les normes européennes ne s’appliquent pas chez nous parce que nous ne sommes pas des pays européens du point de vue du droit. Nous sommes des citoyens européens, nous votons aux élections européennes mais toutes les normes européennes ou françaises ne s’appliquent pas en Polynésie. Chez nous, ce sont les  normes polynésiennes qui s’appliquent de droit. Les normes françaises sont des exceptions.

Tematai Legayic

 

« Mais nous souhaitons évoluer avec un titre spécifique dans la Constitution parce que nous constatons les mêmes défauts que pour vous : une inapplicabilité des normes et des visions françaises, jacobinistes, sur nos réalités » ajoute le député polynésien.  

"La Guyane devra être traitée comme la Guyane l’aura décidé"

De son côté, le député Davy Rimane, si cette mission a été très enrichissante et instructive à plusieurs niveaux, elle n’a fait cependant que renforcer son opinion quant à l’évolution institutionnelle de la Guyane : «  C’est clair et net: nous ne sommes pas là pour copier d’autres modèles, selon les désidératas du gouvernement. Nous devons absolument tendre vers notre propre modèle, un modèle guyanais dans la Constitution. Ce qui nous permettra d’utiliser l’ensemble de nos atouts en toute cohérence par rapport à l’avenir que l’on veut pour notre territoire. Quand le président Macron dit qu’il faut des habilitations par rapport à l’article 73, pour moi il fait complétement fausse route. Mais s’il l’a dit malgré tout, et en ces termes, c’est qu’il savait très bien qu’il y aurait eu un réceptacle pour accueillir ses propos, il ne l’a pas dit par hasard. Donc nous aussi, nous devons nous remettre en question. On a décidé quelque chose, on l’a voté donc on va jusqu’au bout ».

Selon Tematai Legayic, la mission rendra son premier rapport dans les prochains jours mais sur la Nouvelle-Calédonie « parce que le calendrier calédonien est entrain d’être bousculé, à tort encore une fois parce que ce calendrier est imposé par l’état ».

Le député polynésien de conclure : « Pour nous l’état n’est pas au rendez-vous dans chaque territoire, et c’est la raison pour laquelle le parlement doit se saisir de ces questions et la mission que lance la délégation outremer sur l’évolution institutionnelle a son importance parce que le parlement sera celui qui va décider, in fine, de l’avenir de ces territoires ».

Programme des rencontres prévues ce mercredi 17 avril 

  • 7 h 30 – 8 h 30 : Visite du marché de Cayenne
  • 8 h 30 – 9 h 30 : Rencontre avec Carine Sinaï Bossou, présidente de la CCI Guyane
  • 10 h 30 – 11 h 30 : Rencontre avec Vernita Chérubin, présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat de Guyane