La rétrocession du foncier en Guyane : les collectivités à la peine

La terre de Guyane aux Guyanais ! Telle était l’ambition du volet foncier des accords de Guyane en 2017. Celui-ci garantit la cession gratuite de 750 000 hectares sur les 7 millions et demi possédés par l’Etat aux peuples autochtones, aux collectivités et à la SAFER. Depuis plus de 50 ans cette mainmise de l’Etat sur le foncier Guyanais est dénoncée par les élus. Pourtant les demandes des collectivités ne se bousculent pas.

Depuis le 1er janvier 2020, une mission foncier de l’Etat concentre les demandes de cession. Mais à ce jour, ces requêtes des communes et des EPCI sont très inférieures aux objectifs de 2017.
Toutes les demandes formulées ont été satisfaites, 79 dossiers ont été déposés pour 3289 hectares cédés et 15 dossiers sont en cours d’instruction pour plus de 91 000 hectares demandés bien loin des 250 000 hectares disponibles.

Des demandes timides hormis celle du maire d'Apatou

Sinnamary par exemple s’est montrée modeste. La ville a obtenu 17 hectares pour son projet de maison familiale rurale. Une demande volontairement prudente explique le maire Michel-Ange Jérémie :

"Il n'y a aucune note de cadrage qui précise la procédure exacte de cet acte de rétrocession. Quel type de foncier... pour quel projet  et quid de la fiscalité? L'état et l'ONF ne paient pas de fiscalité sur le bâti et le non bâti mais les communes sont assujetties à ces taxes."

Pourtant selon la Préfecture, la démarche est ultra simplifiée affirme le sous-préfet Mathieu Gatineau :

"J'ai parfois entendu que l'on conditionnait les octrois de parcelles à des projets, c'est faux. Le seul formalisme demandé c'est une délibération et un document d'urbanisme".

Le Maire d’Apatou s’est saisi de cette opportunité et a fait voter le projet dès les premiers conseils municipaux. La demande est en cours de traitement. Face à celle des autres communes c’elle s'avère la plus conséquente : 87 000 hectares revendiqués. Ces terres serviront à installer des agriculteurs sur le territoire étendu de la commune et notamment dans les écarts. Pour l’édile, Edwin Moïse il faut se saisir de ces terres :

"La commune d'Apatou est située entre Saint-Laurent au nord et Grand Santi. Je ne me suis pas posé de question... les services ont fait les calculs et m'ont dit cela fait tant d'hectares. L'idée est de créer 4 zones agricoles dans la commune ".

Mais aujourd’hui sur les 22 communes que compte la Guyane, 6 n’ont formulé aucune demande : Awala-Yalimapo, Cayenne, Kourou, Ouanary, Roura et Matoury dont le maire Serge Smock n’a pas jugé nécessaire de mener cette démarche :

"Lorsque nous avons un besoin d'aménagement, d'équipement nous faisons des demandes de foncier à FranceDomaine et nous n'avons pas de souci particulier .."

L’association des maires organise un rapprochement avec la Préfecture pour préciser les modalités d’attribution. Les services de l’Etat de leur côté envisagent de lister les parcelles utiles disponibles pour chaque commune.

Invité du journal, le député Jean-Victor Castor qui s'est approprié la problématique foncière de la Guyane argue depuis des années du statut d'illégitimité de l'Etat qui ne possède aucun titre foncier. Selon lui, l'Etat doit rétrocéder la totalité des terres aux guyanais et cela sans condition. Le 16 novembre, le député organise un colloque sur la question foncière auquel sont invités, les  élus des Antilles et surtout de la Nouvelle-Calédonie. Les kanaks ont obtenu la rétrocession de leur terre, ils expliqueront leur modèle.

Voici la totalité de cette interwiew menée par Nikerson Perdius