La légende raconte qu’une jeune femme amérindienne tomba follement amoureuse d’un homme blanc. La famille de celle-ci était opposée à cette union. Pour tester le couple, les parents demandèrent à leur fille de préparer un plat dans lequel elle mettrait toute la Guyane, si le prétendant le trouvait bon, il était digne d'elle. Elle prépara donc le premier bouillon d’Awara, qu’il adora. Ils se marièrent et …
Depuis un proverbe guyanais dit « Si tu manges du bouillon d’Awara… En Guyane tu reviendras… ».
Ce conte raconté autour d’un feu, le soir, rythmé par les tambours a été revisité par quatre universitaires intellectuels guyanais : Aline Belfort, Tom Dinguiou, Sonia Francius, Mireille Ho-Sack-Wa-Badamie. Certains sont d’origine créole, d’autres bushiningués, amérindiennes, chinoises… Leur point commun est leur guyanité au-delà des différences. Ils ont voulu développer une vision propre interculturelle et ont choisi d’écrire sur l’awara.
Ainsi est né "AwalaWaara" aux éditions Ibis Rouge. Ce titre pluriel est évocateur : il veut dire awara dans les langages des trois communautés représentées, créole, aluku tongo et kalina. La légende réécrite et présentée dans cet ouvrage, s’appelle « Sigre bouyon wara » (secret du bouillon d'Arawa). Elle est retranscrite en créole, aluku tongo, kalina et en français.
Au départ, l’idée forte que nous partageons, c’est une vision de la société guyanaise. Nous voulons unir les cultures guyanaises et surtout ne pas les diviser. Nous avons réfléchi, il nous fallait trouver un faire-valoir, un élément culturel reflétant cette identité, ce tronc commun. On s’est dit que les communautés valorisent cette légende qui appartient au patrimoine guyanais, inscrite dans la période post esclavagiste. Nous avons supprimé tout ce qui relève du stéréotype, pour ne pas les véhiculer en pensant aux générations qui viennent. Nous avons beaucoup insisté pour démontrer qu’à l’époque, les amérindiens, les noirs marrons, les colons se retrouvaient. Nous nous sommes servis de cette légende pour donner également des références historiques. C’est une belle histoire, à écouter et à raconter. Nous avons inclus dans ce livret, une partie musicale nourrie par tous les rythmes du folklore guyanais.
Sonia Francius co-auteur
Un plat d'origine africaine
Au-delà, le bouillon d’Arawa est un héritage culturel. Dans son livre de cuisine de référence, "La Guyane gastronomique et traditionnelle", Régine Horth décédée en 2013, détaille un plat emblématique du Dahomey qui ressemble étrangement au bouillon : la sauce Graine, à partir de jus d' aouaras dindés. D'autres plats du Sénégal, comme la soupe Candia, ou le Mborokkhe ont des similitudes avec le plat traditionnel guyanais.
L’awara est le fruit d’un palmier originaire du nord-ouest de l’Amérique du sud. Il appartient à la grande famille des palmiers : 2500 espèces. C’est également un fruit utilisé indifféremment par les communautés de Guyane. Les bushiningues ( descendants d'esclaves en fuite ) par exemple en extraient de l’huile d’alimentation ou médicinale, les Kalina ( amérindiens) eux, font de la crème, des jus ou des huiles entrant dans la pharmacopée traditionnelle.
C’est un fruit qui est utilisé par toutes les communautés. Nous parlons également dans le livret de ce fruit et des palmiers. Dans chaque communauté se trouvent les mêmes éléments de la faune et de la flore, utilisés différemment, c’est important d’en prendre conscience collectivement. Par notre action nous voulons également montrer, qu'en tant que communautés nous interagissons. Nous voulons utiliser et mettre en valeur tout ce qui nous concerne pour créer une identité commune. Que l’on soit bushiningué, amérindien, créole au-delà des différences, nous mettons en avant le bouillon d’Arawa comme point commun, un lien capable de nous unir, d’unir les composantes de la société guyanaise.
Sonia Francius co auteur
L'Awara à l'Unesco ?
Finalement, le bouillon d’Arawa, quelque soit ses origines, fédère tout un peuple. Aujourd’hui, il est question de le faire entrer au patrimoine immatériel de l’Unesco. Pourquoi pas ?!