Oiapoque-Macapa
Les bus et la BR-156
Rallier Bélem par le fleuve, c'est d'abord éprouver l'envie de prendre le temps de voyager. Le point de départ de ce périple en pleine nature est Oiapoque, la petite ville de 21 000 âmes implantée tout au nord de l'état de l'Amapa sur la rive du fleuve frontière Oyapock, non loin de l'embouchure. Tous les jours des bus partent de la gare routière pour rejoindre la capitale Macapa. Le billet coûte environ 35€, le prix varie selon le cours du change. Le trajet de 600 km s'effectue de nuit, les autocars partent à 17h, pour des raisons de sécurité, ils se suivent. En cas de panne, ils peuvent s'entraider. Ces bus climatisés sont confortables et peuvent accueillir plus de 40 passagers. Ils sont lourdement chargés car, l'avantage d'utiliser ce moyen de transport, est que chaque client peut avoir deux bagages, non qualibrés, contrairement à l'avion. De toutes les façons, la route reste le seul moyen d'arriver à Macapa, la ligne aérienne Cayenne-Macapa étant arrêtée depuis des années.
Les trois premières heures de voyage sont difficiles. Les bus n'avancent pas vite, il faut slalomer entre les trous, s'avancer sur d'étroits ponts en bois sans parapets pour franchir criques et rivières. La végétation luxuriante se montre, bien présente, d'un vert brillant dans la lumière du soleil couchant. Les passagers sont fortement secoués puis la nuit avançant, la route devient plus lisse, normale. A l'intérieur des bus, avec la forte climatisation et une pénombre rassurante, les gens s'endorment. Entre 22h et minuit, tout le monde peut se restaurer et se rafraîchir lors de deux arrêts dans des relais où l'accueil reste sommaire... 3h du matin, la première partie du périple s'achève avec l'arrivée à la gare routière de Macapa.
L'embarquement à bord du Ana Beatriz
Santana, la ville voisine de Macapa où se trouve le port fluvial est à une vingtaine de minutes en taxi. L'agence qui vend les billets pour la traversée sur l'Amazone ouvre à 5h du matin. Une fois les tickets achetés, environ 45€, les voyageurs peuvent se rendrent sur le quai où se trouvent les différents bâtiments qui vont jusqu'à Belém et même plus loin. Il fait encore nuit mais les dockers approvisionnent déjà les bateaux.
Le hamac, l'objet indispensable pour la traversée sur l'Amazone
La découverte des voyageurs
Sur le bateau, il y des centaines de voyageurs. Chacun installe son hamac et range ses bagages tout à côté. La proximité obligatoire délie les langues, les gens se présentent les uns aux autres. Ils viennent de France, de Guyane, d'Oiapoque, de Macapa, Tartarugalzinho etc...
Cleïda a fait le déplacement depuis Lyon avec son compagnon et ses trois enfants :
... Le voyage depuis la France nous revient très cher. J'ai très envie de revoir mes parents à Belém. Passer par Oiapoque,Macapa et prendre le bateau était la seule solution et on apprécie de pouvoir le faire...
Il lui manquait des hamacs, finalement la solidarité aidant, il lui sera prêté deux "redes".
Ceux qui effectuent cette ligne régulièrement expliquent aux autres, l'usage des toilettes et douches, la restauration, les précautions durant la nuit et ce qu'ils verront au cours de ces 24h de trajet sur le fleuve le plus long du monde.
Jesus Maria qui n'est pas retournée à Belém depuis un an manifeste sa joie, souvent elle fait le trajet par la route et le bateau :
... quand je monte sur le bateau, je sens que je suis chez moi au Brésil. Ce voyage me permet de me reconnecter avec mon pays et mes compatriotes...
L'aube est déjà là, le soleil monte dans le ciel, il y aura beau temps.
Le départ pour Belém
L'Amazone
Le bruit des moteurs se fait plus fort, le bateau glisse sur les eaux marrons. Le quai s'éloigne, les voyageurs accoudés au bastingage téléphone en main font des photos, des selfies. Sur les rives, les maisons se font moins nombreuses. Pas de musique assourdissante, les gens installés pour la plupart dans leur hamac, devisent, lisent où dorment, les smartphones ne servent que pour les photos. Le périple sur l'eau commence, la déconnexion aussi.
Les heures s'écoulent lentement sur le fleuve. A 12h, le capitaine du bateau invite les passagers à se restaurer. Le repas est frugal, il y a bien sûr du wassaï et de la farofa (farine de manioc), les traditionnels haricots rouges, des calabreses (saucisses) du poulet et du riz. Chacun fait la queue tranquillement pour manger dans la petite salle de restauration et regagne ensuite, avec beaucoup de discipline, son hamac.
Rien ne trouble la quiétude de ce voyage. Une heure après le départ, il y a eu, un contrôle de la police fluviale. Mais aucun écho n'a filtré sur le pont supérieur, après 15 minutes d'arrêt, le bateau a repris sa route.
Des rives avec un habitat dispersé
La vie sur le fleuve
Les heures s'égrènent, le soleil suit sa courbe. Vers 16h, un violent grain s'abat sur le fleuve et surprend tout le monde. Le fort vent de pluie s'engouffre sur les ponts mouillant les hamacs. Cela ne dure pas longtemps. Avec flegme, les passagers s'essuient, le voyage se poursuit d'une branche de fleuve à l'autre. Il y a même des petites îles et partout des plantations du palmier wassaï ou acaï.
Des canots avec des enfants à bord s'approchent de la coque, des passagers se précipitent au bastingage avec des sachets plastiques remplis de vêtements et de conserves. Ils les jettent aux enfants qui font de grands signes. C'est habituel. Tout le long du trajet, il y a des hameaux, des bourgades reconnaissables à leur église. Les populations de ces lieux sont pauvres, dépourvues de tout. Les voyageurs partagent quelques effets et autre nourriture...
500 km sur l'Amazone
Dernières heures sur le fleuve
Avec la nuit, sont venus la pluie et l'orage. Le bateau bouge un peu plus. Le capitaine donne quelques directives de sécurité et invite tout le monde à se rendre au dîner. Toujours aussi disciplinés, les passagers font la queue en devisant. Le cérémonial pour les ablutions de la nuit se fait tranquillement, le vent s'est calmé et il a rafraîchi l'atmosphère. Les passagers s'emmitouflent dans les hamacs. Quelques ronflements, un enfant qui chouine, des prières, la nuit s'installe.8h du matin, le Ana Beatriz tangue, le ciel est effiloché de bleu et gris, le fleuve s'est élargi. Au loin, la ville minière de Barcarena apparaît. Le bateau dépasse le port industriel et poursuit son chemin sur un fleuve qui devient de plus en plus large, avec une houle sensiblement plus forte. Il vogue maintenant dans l'immense baie de Guajara. Il reste quelques km avant d'atteindre Belém.
Les passagers rangent les hamacs, au loin, à l'horizon, les buildings de Belém annoncent la fin du voyage. 10h du matin, le Ana Beatriz se dirige vers le port Lider où aura lieu le débarquement. Il longe les rives de la baie de Guajara où s'étend la capitale de l'état du Para, Belém, la ville des Manguiers qui accueille 1,5 million de personnes.
Un voyage de 1100 km vers Belém...
... au fil de l'Amazone