Des centaines de familles, ont dû quitter leur lieu de vie et de subsistance, pour permettre l’implantation de la base spatiale. C’est la première fois que l’histoire de ces expropriés est racontée de l’intérieur. Juliana Chocho Dufail, l'auteur, ne critique pas l’implantation du CSG mais plutôt les méthodes, au nom de l’intérêt général, pour faire partir les occupants, pour la plupart agriculteurs.
C’est une histoire connue mais il existe peu de travaux pour comprendre les retombées sociales, psychologiques et même économiques, des expropriations de Kourou et de Sinnamary, lors de l’installation de la base spatiale.
Juliana Chocho-Dufail, fille d’expropriés, a décidé d’en faire un livre et de témoigner. Ce n’est pas un essai, ni un ouvrage historique, c’est une histoire racontée à la première personne, touchante, sans complaisance, illustrée par de nombreux documents d’archives, de photographies et de témoignages.
Les jours heureux
Juliana Chocho-Dufail revient sur les temps heureux avant l’expropriation. Kourou est un petit village agricole où le temps s’étire doucement. A partir de 1965, le Centre spatial guyanais s’étend depuis l’ouest de Kourou, jusqu’à l’est de Sinnamary, sur une surface de 70.000 ha environ.
L’implantation de la base de 1964 à 1971 aboutit à l’expropriation de familles d’agriculteurs de Kourou et de Sinnamary. Cent cinq familles (651 personnes) quittent les lieux et sont relogées dans des appartements en ville. Parmi les familles concernées : les Chocho.
A l’époque des faits, Juliana Chocho avait 10 ans. Elle se souvient avec beaucoup de pudeur de son père Alfred, qui ne se remettra jamais de cette déchirure. L’expropriation s’effectue en deux phases : d’abord Kourou en 1965, les habitants de l’Anse, de la Savane et de Karouabo. Puis à partir de 1969, ceux de Malmanoury , Renner, Paracou, Changement et l’Anse. Aujourd’hui, la plupart de ces hameaux sont effacés de la carte.
Un témoignage émouvant
Les habitants avec titre de propriété obtiennent des terrains agricoles, les autres sont relogées à la Cité du stade. Le choc est terrible : habitués à vivre dans des grands espaces, les familles se retrouvent à l’étroit dans des logements minuscules, mal finis, avec des indemnisations ridicules au regard des préjudices subis. Malgré leurs plaintes, ils ne sont ni aidés, ni soutenus. Une chute silencieuse, dont beaucoup ne se relèveront pas.
Juliana Chocho-Dufail livre en héritage, avec beaucoup de sensibilité, ce témoignage. Le récit est digne, tout en émotion contenue, sans aigreur, ni révolte, n’ayant qu’un objectif : inscrire ces hommes, femmes et enfants, dans l’histoire faite aussi de larmes et de sang, de la Guyane.