Sciences : Comment fonctionne l'écosystème à l'embouchure de l'Amazone ?

Au départ de Cayenne, l'ANTEA, navire hauturier de la Flotte Océanographique Française, se dirigera vers les eaux brésiliennes et explorera l’embouchure de l’Amazone sur plus de 6 000 km.
Une équipe de 17 chercheurs français, canadiens et brésiliens embarque jusqu'au 29 septembre à bord de l’ANTEA, navire hauturier de la Flotte Océanographique Française. L'objectif : étudier les impacts sur l'écosystème des courants de l’Amazone, de son embouchure jusqu'au littoral guyanais.

De quoi est constituée la biodiversité à l’embouchure de l'Amazone, le plus long et le plus puissant fleuve du monde ? Quelle est l’influence des ondes de marées sur cet écosystème ? Pour tenter de résoudre ces mystères, une équipes de 17 scientifiques (physiciens, biogéochimistes, biologistes) a pris le large samedi, depuis le quai de Degrad des Cannes.

Cap, pour un mois d'odyssée, sur l'embouchure de l'Amazone où se déverse environ 20 % de l'eau douce épanchée dans les océans par les fleuves de la planète. 

Plus de 6000 km à explorer


A bord du navire hauturier ANTEA, un vaisseau de la Flotte Océanographique Française armé par l’Ifremer, ces explorateurs français, canadiens et brésiliens sillonneront donc les plus de 6 000 km de l'embouchure du fleuve aux multiples records, dont un débit de 209 000 m3 d'eau par seconde.

Baptisée Amazomix, cette campagne internationale parcourra le plateau et le talus continental amazonien pour étudier l’impact des courants et celui du surtout du panache de l'Amazone (volumes importants d’eaux douces, turbides et riches en nutriments apportés à la bande côtière) et le fonctionnement des écosystèmes marins d’un point de vue physique, biogéochimique et biologique.

Une expédition unique et inédite


L’expédition vise aussi à tracer la provenance et la distribution de polluants, métaux lourds et microplastiques, et à déterminer leur rôle dans la chaîne alimentaire.

Cette étude des impacts des courants sur le fonctionnement de l’écosystème marin est unique au monde. Arnaud Bertrand, chef de mission de la campagne Amazomix. Il est au micro d'Isabel Lerouge.

Si l’Amazone apporte une charge considérable d’eau et de sédiments aux océans, son embouchure est peu étudiée et de nombreux aspects restent donc à découvrir : la biodiversité, depuis les bactéries jusqu’aux prédateurs, le fonctionnement des récifs coralliens, le rôle des organismes marins dans le régulation du climat....

Enfin, la coexistence des espèces dans l’Atlantique tropical reste méconnue : la région Caribéenne est la plus bio-diverse. Le panache de l’Amazone, qui peut s’étendre jusqu’à 3 000 km au large de l’embouchure, pourrait constituer une barrière pour certains organismes.

Réaliser un nouvel inventaire de l'écosystème amazonien


Les données seront collectées de différentes manières : enregistrements sonores, vidéos, capteurs de turbulence, sous-marins autonomes, mouillages profonds, filet à plancton et chaluts... Les échantillons biologiques seront soumis à de nombreuses analyses. La concentration en polluants, tels que les métaux lourds ou les microplastiques, sera aussi mesurée.

« Nous aurons un nouvel inventaire de la biodiversité de la région. C'est important pour promouvoir des méthodes gestion. Nous aurons une représentation spatialisée des phénomènes. Nous saurons un peu mieux où la vie est davantage biodiverse, où sont les hot spots, les endroits où il y a plus de biodiversité, les plus importants pour le développement des organismes. [...] Cela va permettre de mieux planifier les activités en mer que ce soit la pêche, l'exploitation de mines ou du pétrole. [...] Cet aspect de biodiversité est très important pour envisager ou pas certaines activités qui peuvent être dommageables. »

Arnaud Bertrand, chef de mission de la campagne Amazomix


Forts de leur précédentes expériences, en particulier pour des expéditions et des études dans le nordeste du Brésil, tous les scientifiques espèrent effectuer de grandes découvertes, de nouvelles espèces de poissons, de micro-algues...

Lors de cette campagne, les scientifiques espèrent découvrir de nouvelles espèces. Arnaud Bertrand, chef de mission de la campagne Amazomix. Il est au micro d'Isabel Lerouge.

Entre modernité et exploration, la campagne AMAZONIX fait partie des remarquables explorations scientifiques de ce début de XXIe siècle, à l'image de celle de François-Michel Le Tourneau, en 2019 en Guyane.

Elle rappelle surtout les voyages d'exploration scientifique qui se sont multipliés en Europe après l'époque dite des grandes découvertes. Des périples pour dénicher de nouvelles terres favorisés par les innovations techniques de l'époque (chronomètre de précision, compas, télescope, etc.).

La campagne Amazomix est l'héritière des grandes expéditions scientifiques du XIXe siècle telle que celle de Louis-Antoine de Bougainville.

Qu’il s’agisse de biodiversité ou de climat, les grandes expéditions, rendues nécessaires par l’état de la planète et l’urgence à faire progresser la connaissance, ne doivent pas pour autant occulter les travaux de terrain plus modestes menées chaque jours par les nombreux chercheurs et scientifiques.