Pêche : la colère des professionnels qui dénoncent leurs conditions de navigation, des dizaines de bateaux sont à quai

Des déchets de poissons déversés devant la direction de la Mer. Une action symbolique qui n’a pas été revendiquée. Les professionnels se renvoient la balle, mais sont unanimes pour dénoncer leurs actuelles conditions de navigation fixées par l’Etat. Des dizaines de bateaux sont à quai. 
L’image est forte. Des poissons et des déchets maculant la façade de la direction de la Mer, jonchant le trottoir et une partie de la rue. Des déchets déversés durant la nuit, et dont l’origine reste mystérieuse.
Une chose est sure, les professionnels de la pêche sont asphyxiés. Selon plusieurs armateurs, près de la moitié de la flotte de pêche guyanaise est bloquée à quai pour des raisons réglementaires. Parmi les raisons du blocage : la difficulté des capitaines à obtenir une reconnaissance de leurs compétences, dans le cadre d’un plan de Validation des Acquis de l’expérience. Et sans le diplôme de « Capitaine 200 », finies les sorties en mer de quatre jours, qui étaient la norme pour la pêche artisanale côtière.


L'exemple de Julio 

Depuis deux mois, Julio est à quai avec son bateau, à Dégrad Des Cannes. Capitaine depuis plus de dix ans en Guyane, ce Brésilien originaire du Para a toujours travaillé dans la pêche. Mais l’administration française ne l’autorise plus à sortir en mer comme avant.
Julio Gomes da Costa, capitaine du « Ricardo II » se confie : 

"Le problème aujourd'hui, c'est qu'il ne veulent pas nous faire sortir. Quand on a une famille, un logement, c'est un problème car le coût de la vie est très élevé". 

 

Une VAE mal adaptée 


En Guyane, la flotte de pêche ne respecte pas les normes européennes. Depuis plusieurs mois, l’Etat a lancé un plan de formation des équipages par la VAE, ou Validation des Acquis de l’expérience. Fin connaisseurs de la mer mais non francophones, peu à l’aise à l’écrit, la plupart des capitaines ont obtenu une capacité qui ne les autorise pas à prendre la mer plus de 24 heures.
Richard Soudine  armateur du « Ricardo II » explique :

"Les capitaines n'ont pas cette VAE qui est pour 96H c'est à dire capitaine 200, ils ont le CACCP qui est validé pour 24H, cela ne couvre même pas leurs dépenses quotidiennes". 


Des marins sans revenus


Cet armateur a deux bateaux bloqués à quai. Il ne sait plus comment faire face aux dépenses de son entreprise. Et pour les marins sans revenus, c’est la galère.
Manoel Rose Miro Do Nascimento Abreu, marin sur le « Ricardo II » se plaint : 

"Les navires ne peuvent pas pêcher sans autorisation, le Patron n'a plus d'argent pour nous payer. C'est très difficile".


Les armateurs en difficulté 

Au village Chinois, des armateurs de Cayenne retrouvent des patrons pêcheurs venus de Saint Georges de l’Oyapock…Ils font face aux mêmes difficultés…
Marc Dos Santos, président de « Torche », l’association des pêcheurs de Saint Georges de l’Oyapock exaspérés : 

"Les bateaux sont en train de pourrir. Soit je transborde des marins sur un autre navire pour qu'ils puissent travailler, soit ils restent au chômage technique. La plus grande difficulté est le manque de marins et la formation qu'ils doivent passer. C'est vraiment compliqué". 


Acculés par les dépenses, certains patrons font quand même sortir leurs bateaux, au risque d’être sanctionnés. Selon plusieurs armateurs, près de la moitié des 130 navires de pêche guyanais seraient bloqués à quai pour des raisons réglementaires. Du côté de l’Etat, la direction de la Mer n’a pas souhaité communiquer pour le moment.