Pêche illégale : un rapport scientifique inédit confirme l'augmentation du phénomène en Guyane

La présence des bateaux clandestins par rapport aux légaux dans les eaux de Guyane
C’était une étude très attendue par la filière pêche et les défenseurs de l’environnement. Le rapport sur la pêche illégale de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et du comité régional des pêches et des élevages marins en collaboration avec le WWF a été rendu public ce 16 septembre. Financé par l’Etat, il permet d’évaluer l’ampleur du préjudice subi depuis 2019 par la Guyane. En 12 ans, le nombre des pêcheurs illégaux a doublé.

C’est l’étude la plus complète jamais menée sur la pêche clandestine en Guyane. À l’IFREMER et au comité des pêches, des chercheurs ont analysé cinq ans de données issues de la lutte contre la pêche illégale : survols aériens des forces armées, procès-verbaux d’arraisonnements.

Résultat, le nombre de navires clandestins a doublé.

En 2012, une étude estimait la présence des pêcheurs illégaux à plus de 5.500 jours de mer par an… On s’approche aujourd’hui des 11.000.

"De 2019 à 2023, le nombre maximal annuel de navires hauturiers étrangers observés en action de pêche est de 6 caseyeurs guyaniens et 34 ligneurs vénézuéliens non licenciés, pour 45 ligneurs vénézuéliens avec licence. Les résultats sont probablement sous-estimés car d’autres navires ont été observés dans la ZEE sans indication sur leur activité, jusqu’à 10 caseyeurs guyaniens et 84 ligneurs vénézuéliens non licenciés en 2022", lit-on dans le rapport.

La pêche clandestine prélève deux fois plus de poissons en Guyane que la pêche locale, une menace pour la filière…

Le travail que l'on mène va permettre de montrer quelle est cette menace et jusqu'à quel point les stocks sont en danger, en particulier l'acoupa rouge. Ce que l'on sait déjà, c'est que le stock serait trop pêché. Pour l'acoupa rouge en tout cas, en particulier.

Fabian Blanchard IFREMER

Des données sous-estimées selon les pêcheurs guyanais

Les pêcheurs guyanais ont participé à l’étude. Selon eux, les données officielles sous-estiment la présence des illégaux. "Il y a des bateaux qui se plantent dans la mangrove qui ne sont pas pris en compte", indique Léonard Raghnauth, président du comité régional des pêches et des élevages marins. "Il y a des bateaux qui pêchent de nuit, ils ne sont pas pris en compte", ajoute-t-il. Et de conclure :

Il y a des bateaux qui augmentent leur capacité de pêche avec les longueurs de filets et des mailles plus petites, on ne les prend pas en compte dans ce rapport.

Le Fonds Mondial pour la Nature a mené 11 survols pour ce rapport, avec un record : plus de 100 navires illégaux observés en septembre 2023, venus du Brésil et du Surinam. Les conséquences sont dramatiques pour la faune marine.

"L'effet collatéral, les captures accidentelles, ce sont les tortues marines, notamment la tortue luth qui a disparu de 97% en 20 ans sur les plages de la réserve naturelle de l'Amana", indique Laurent Kelle, responsable en Guyane du WWF.

Le WWF et le comité des pêches ont longtemps bataillé pour que l’Etat finance ce rapport, il fait aussi des propositions pour renforcer la lutte contre la pêche illégale, dont la mise en service de drones à long rayon d'action et la création d'un observatoire sur ce thème pour continuer les études.

En complément : le rapport sur la pêche illégale

Pour aller plus loin...

Eric Banel, directeur des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture était l'invité du Guyane Soir ce 16 septembre.

Eric Banel, directeur des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture