Psychiatrie : des "traitements indignes" au CHAR dénoncés par le Contrôleur général des lieux de privation et d'isolement

Les conclusions sur le fonctionnement des services de psychiatrie du CHAR du Contrôleur général des lieux de privation de liberté menée en 2018, ont été publiées au JO. Les droits et la dignité des malades sont loin d'avoir été respectés. Un rapport édifiant, voire effrayant. 
Un rapport édifiant voir scandaleux sur le fonctionnement  des services de psychiatrie du Centre hospitalier Andrée Rosemon a été publié au Journal officiel. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu son rapport de visite définitif et ses recommandations. Des conclusions qui mettent en lumière les conditions indignes dans lesquelles ont été soignés les malades mentaux en Guyane jusqu'en 2019.


Au-delà de l'imaginable

Ce rapport publié au Journal officiel est sans concessions. Le rapporteur livre ses conclusions sans fioritures et assène ses conclusions avec impartialité et objectivité. A sa lecture, le constat est clair : les droits et la dignité des malades sont bafoués au-delà de l’imaginable. Ce document a été publié au Journal officiel et adressé au ministre des Solidarités et de la santé. Des recommandations qui n’ont pas été contestées par les autorités du CHAR. L’enquête s’est déroulée du 5 au 12 octobre 2018.


Un personnel manquant

Les services de psychiatrie du CHAR sont regroupés au sein d’un pôle comprenant 6 unités de psychiatrie et une unité de pédopsychiatrie. Les constats les plus graves concernent l’accès aux soins, les pratiques d’isolement et surtout les locaux dans lesquels ces isolements sont opérés. L’accès aux soins se concentre sur le CHAR de Cayenne. Il n’existe pas d’offre privée alternative. Aussi, les capacités de prise en charge en structures extra hospitalières occasionnent forcément un recours à l’hospitalisation. Plus grave selon le rapport, les malades n’ont pas accès quotidiennement à un médecin ou à un psychologue.
Extrait :

« Dans les unités d'hospitalisation de psychiatrie, l'accès à un médecin n'est pas assuré quotidiennement. La continuité des soins n'est donc pas garantie, l'accès à des entretiens avec un psychologue n'est pas non plus partout possible.
En l'absence de médecin généraliste dans le pôle, les patients n'ont accès aux soins somatiques qu'à l'entrée du CHAR au service des urgences, puis lors des transferts vers ce service durant l'hospitalisation en cas de problème soulevé par le psychiatre. Les patients en chambre d'isolement ne sont jamais vus par un somaticien ».


Enfermement carcéral

Les pratiques d’isolement sont particulièrement montrées du doigt.  Leur description relève de l’enfermement carcéral. Selon le rapport « elles sont abusives dépourvues de tout cadre réglementaire et exercées dans des locaux indignes ». Le pôle psychiatrie dispose de douze chambres d’isolement dont deux en pédopsychiatrie. La conception architecturale de ces locaux ne correspond en rien aux normes en vigueur. Pas de bouton d’appel, pas de possibilité d’éteindre ou d’allumer la lumière, pas de ventilation, pas de lavabo.
Extrait : 

« Les lampes restent allumées toute la nuit, afin que les images de la caméra soient exploitables, sauf dans l'unité de pédopsychiatrie où les caméras sont équipées d'une technologie infrarouge.
Toutes permettent un accès aux toilettes et à une douche mais la chasse d'eau ne peut être actionnée que de l'extérieur, aucun papier hygiénique n'est laissé au patient. La plupart des chambres disposent d'un lit métallique fixé au sol, équipé d'un matelas en mousse plastifié ; aucun oreiller n'est prévu ; parfois le lit n'a pas de drap. Les dix chambres d'isolement pour adultes sont ainsi indignes, et ne permettent pas en l'état l'hébergement d'un patient dans des conditions de dignité et de sécurité acceptables ; elles ne doivent pas être utilisées. Des personnes placées dans les « chambres sécurisées », ayant l'aspect d'une cage fermée à clef avec un sas, ne sont pas considérées comme placées en chambre d'isolement. »


Le rapport demande que les pratiques d’isolement abusives cessent immédiatement. Il demande aussi que le personnel soit formé à la gestion de la violence, ainsi que la mise en place de mesures appropriées concernant l’isolement et la contention. La directrice du CHAR et la directrice générale de l'Agence régionale de la santé Guyane n'ont pas contesté ce rapport. Un plan de rénovation a été annoncé pour le 19 février 2019. Reste à savoir si les mesures préconisées ont été, depuis...appliquées.  
Accablant, c'est ainsi que se résume le rapport d'Adeline Hazan, paru aujourd’hui dans le journal officiel. La contrôleur générale des lieux de privation de liberté, s'indigne des pratiques d'isolement des patients, après une enquête, l'année dernière au pôle psychiatrique.


Les directions du CHAR et de l'ARS réagissent 

Sollicité par notre rédaction pour réagir à la publication de ce rapport, la direction du CHAR et l’ARS ont organisé une conférence de presse en début d’après-midi ce jeudi.
Les deux acteurs de la santé ne démentent pas et admettent, ce que décrit le rapport : « une situation grave ». Mais depuis qu’il a été adressé à l’hôpital, en décembre dernier, un projet de rénovation des locaux de 1,5 M d’€ a été lancé. En ce qui concerne la prise en charge, il y aurait une évolution des pratiques au sein des services psychiatriques.