Camille est un personnage hors norme, flamboyant dont la vie méritait bien que lui soit consacré un roman. Rémy Péru-Dumesnil s’est repris à trois fois pour mettre en scène ce grand-père si haut en couleur.
Un grand-père personnage de roman
L’auteur a toujours aimé lire et écrire des poésies. A 18 ans, il se disait : « Papy est un vrai personnage de roman, extraordinaire, très particulier et pas du tout ce qu’on imagine qu’il est. Il mérite son roman et le premier que j’écrirai lui sera consacré… ».
A 22 ans, Rémy Péru-Dumesnil rédige le roman d’une traite. Mais le résultat, qu’il juge long et chargé ne le satisfait pas. Il se remet dessus quelques mois après mais cette réécriture ne le convainc toujours pas. Une fois de plus le manuscrit est mis de côté. Il décide de reprendre ce récit en 2021 en postulant pour le concours d’écriture « J’écris ma Guyane » proposé par la Collectivité territoriale. Cette troisième mouture sera définitive.
Ce livre s’inspire d’un écrit que lui a laissé son grand-père dans lequel il raconte l’installation des sinistrés martiniquais et le développement du village de Montjoly. Une mine d’informations qui va lui servir pour créer le tissu romanesque de « Camille ».
Rémy parle avec passion et émotion de ce grand-père, Bertrand Lony, un fonctionnaire de l'Education nationale, instituteur réputé pour son implacable rigueur, décédé à 94 ans :
« C’était quelqu’un de très sévère qui disait en parlant de l’éducation à Montjoly que c’était une sorte d’élevage mais avec moi cela n’a jamais été cela. Je suis né il avait 80 ans et je n’ai jamais perçu cette dureté. Nous étions proches. Je lui faisais des calins, je m’occupais de lui, lui mettais la télé, cherchais des programmes, je restais avec lui, l’écoutais et posais des questions. Je le servais même, nous étions vraiment très complices. Chose étrange car ce n’étais pas du tout le rapport qu’il avait avec ses propres enfants. Je l’aimais énormément et ne l’ai jamais considéré comme une personne terrible avec laquelle il était impossible de communiquer, au contraire ! ».
Un personnage dual qui aimait beaucoup la fête, la musique insiste le petit-fils sans que jamais cela n’interfère dans sa fonction d’éducateur.
Et le petit-fils aimant et reconnaissant s’attache dans son roman à faire découvrir au lecteur la jeunesse turbulente voire picaresque de Camille dans la Guyane du début du 20e siècle. Et l’on découvre ainsi ce que pouvait être l’univers de ce nouveau village de Montjoly créé pour accueillir les sinistrés de l’éruption de la montagne Pelé de Saint-Pierre de la Martinique.
Un roman truculent
C’est d’une plume fluide souvent acérée, parfois désopilante mais jamais ennuyeuse que Rémy Péru-Dumesnil met en scène ses personnages autour du poto mitan que représente Camille dit aussi « Jambes cerceaux ». Certains épisodes où se mélangent créole et français nous font vivre avec beaucoup de réalisme l’ambiance de la Kou Mango à Montjoly ou encore celle de Rot bo Krik à Cayenne.
Par touches successives et savamment articulées, l’auteur recrée l’époque laborieuse de la colonie, façonne une panoplie de protagonistes pittoresques, raconte des scènes de vie avec une joyeuse impertinence propre à l’esprit créole… extrait : « En réalité, c’était la neuvième dernière fois qu’elle accouchait en quinze années mais cet enfant-là, se disait Reinette, avait ce petit goût capricieux de crasse de boyaux … La chair à vif, là dans le presque vide de la pièce à vivre, Reinette venait de pondre Camille, un négrillon tout neuf. »
Dans ce livre est rappelé un souvenir, sans doute douloureux, pour certains : le rituel de la syllabo-calotte ou comment écrire sans fautes en recevant une calotte à chaque syllabe d’une phrase mal rédigée.
Chaque chapitre donne lieu à des découvertes savoureuses du monde créole savamment distillées par le narrateur faisant grandir, Camille devenu Jambes-cerceaux au fil des ans. Un talent d’écriture qui a conquis l’écrivain Jean-Paul Delfino qui a accompagné Rémy Péru-Dumesnil :
« Il a vraiment du talent. Je croise énormément d’auteurs ou primo auteurs avec lui, j’ai eu une excellente surprise… Il a réussi le petit miracle de trouver une langue qui lui appartient en propre. C’est un jeune homme qui est un amoureux fou de la littérature. II a écrit pour une bonne raison qui n’était ni de gagner de l’argent ni pour être reconnu dans la rue et c’est un essai qui est un coup de maître… »
Rémy Péru-Dumesnil, désormais écrivain, a déjà trouvé la trame de son deuxième roman dont l'action se situera dans les Caraïbes. Et il s'est aussi promis d’écrire la suite de la vie de Camille, Jambes-cerceaux.