Tout a démarré avec la diffusion en Guyane de la telenovela colombienne « Au rythme de la passion ». La Guyanaise Thérèse Mathieu y découvre Nancy Murillo comédienne afro colombienne dans le rôle d'Amparo. Elle contacte l’interprète via les réseaux sociaux et commence des échanges qui se terminent par une rencontre à Paris en mai 2023. Aujourd’hui les deux femmes sont amies.
« J’ai répondu à l’invitation de ma grande amie Thérèse Mathieu et suis venue dans le but de mieux connaître les Guyanais qui ont des origines africaines, discuter avec les gens et les sensibiliser sur l’importance de l’unité de peuples noirs dispersés dans le monde pour avancer. J’ai débarqué en plein carnaval, j’ai participé à des vidés, j’ai fait Neg Marron dit-elle en éclatant de rire, je me suis mélangée aux gens car je considère que pour connaître un peuple, il faut être dans sa culture et la partager. »
Une jeunesse à Cali à espérer mieux
La comédienne est née à Cali, troisième ville de Colombie et où se trouve la plus importante communauté afro colombienne. La jeune Nancy a grandi dans un quartier populaire marqué par la discrimination raciale :
« J’avais envie d’aller voir ailleurs, de connaître une autre façon d’avancer dans la vie en tant que femme noire habitant un pays franchement raciste même si depuis cela a évolué. En Colombie et en Amérique Latine, ils sont depuis peu dans cette conscience du respect des noirs et même des indigènes. La Colombie est une société raciste où la hiérarchisation des classes est très présente. J’étais curieuse de voir ailleurs et de visiter d’autres peuples. »
Elle raconte que dans son quartier populaire à Cali elle passait souvent devant un bar qui s’appelait « Flor de Paris ». Une enseigne qui l’intriguait. C’était presque un signe annonciateur de l’endroit où elle pourrait continuer son développement. « Dans les années 80, une des rares comédiennes noires qui passaient à la télé était une chanteuse lyrique Leonor Gonzàles Mina très connue, très appréciée appelée la « Negra grande de Colombia ». Elle apparaissait dans des feuilletons et jouait le rôle de femme de ménage. . En voyant cela, je me suis dit si elle, grande chanteuse lyrique, elle joue les femmes de ménage moi une parfaite inconnue que va-t-on me proposer ? Je suis partie, il n’y avait pas d’opportunité pour moi dans mon pays»
La transformation en une artiste pluridisciplinaire
La jeune colombienne est arrivée en France en 1993 avec une licence en art dramatique en poche. À Cali, elle avait suivi une excellente formation théâtrale qui s’est avérée difficile à exploiter d’emblée car elle ne maîtrisait pas la langue française. Elle a donc continué à se former en technique vocale. À Bordeaux elle a intégré comme chanteuse un orchestre de Salsa. La jeune femme va créer par la suite sa propre formation musicale : « C’est vrai la France m’a beaucoup apporté, fait grandir à travers toutes les expériences que j’ai vécu avec parfois de grands moments de solitude. Mais on s’élève grâce à nos expériences et je remercie toutes ces personnes qui se sont comportées de façon injuste, hautaine et même raciste. Toutes ces personnes sont des maîtres que le Guide met en face de nous pour apprendre à nous aimer, pour nous amener à une réflexion sur nos propres valeurs et sur les limites à donner à l’autre ».
Un rôle dans une telenovela qui lui amène la reconnaissance artistique en Colombie
Pour l’artiste ce sont ces ancêtres noirs qui la guident et lui ont donné la force de s’éloigner son quartier populaire Alfonso Lopez à Cali. 30 ans après voilà que l'on cherche en Colombie une comédienne noire sachant danser et chanter pour incarner Amparo dans la novela « Le rythme de la passion ». Cette comédienne, la production qui ne la trouve pas en Colombie va finalement la dénicher en France à Paris.
Aujourd’hui Nancy Murillo est de plus en plus reconnue comme un exemple de réussite de la communauté afro colombienne, une figure inspirante pour la nouvelle génération.
Et cela convient à Nancy car son but est de : « donner la force aux jeunes de poursuivre. Moi j’ai dû convaincre mon père pour qu’il accepte de me payer des études d’art dramatique. Et j’ai eu cette chance qu’il me voit à la télévision avant qu’il ne décède. Je dis aux jeunes n’oubliez jamais vos rêves, ne vous laissez jamais dire ce que vous devez être ou pas être. J’ai parcouru du chemin mais par moments je me suis sentie une noire perdue à vouloir me reconnaître à travers les valeurs de l’autre : l’oppresseur ».
La Guyane, une ouverture pour un nouveau projet musical
S’améliorer, évoluer, trouver sa véritable identité de femme noire afro descendante était le souhait de Nancy Murillo, elle compte bien continuer dans ce sens en exploitant toujours plus ses qualités artistiques.
Nancy, qui se présente comme une artiste multidisciplinaire s’exprime également dans l’art pictural avec toujours en ligne de mire la quête de l’identité africaine, de la reconnaissance de ses ancêtres et l’exploration de ses racines africaines.
Pan africaniste convaincue, elle croit à la réunification des peuples noirs. Elle a souhaité mieux connaître l’art tembé, la signification des signes retranscrits qui la ramène à ses origines africaines. Elle est allée sur le Maroni à la rencontre du peuple bushinengué.
« Ma mission à moi, humblement, est de sensibiliser, les gens du peuple afro que je rencontre à travers le monde à discours d’unité, les pousser à réfléchir sur la grandeur du peuple noir. »
Parmi les autres projets de la comédienne, refaire du cinéma en France, en Colombie et même en Guyane. Nancy Murillo souhaite revenir à Cayenne où elle a rencontré plusieurs groupes musicaux dont une formation qui joue du « gwo ka » le tambour traditionnel de Guadeloupe. Son projet serait de poser sa voix et ses chansons issues de la tradition afro colombienne le « choco » : « Je propose de faire cette unité à travers ces rythmes ancestraux africains ! ».