République dominicaine-Haïti : en route vers le mur

Après le mur de Berlin ou celui entre Israël et territoires palestiniens, il devrait y avoir bientôt celui séparant Haïti et la République dominicaine. C’est ce qu’a annoncé le président de ce dernier Etat pour stopper l’immigration illégale et la population dominicaine semble plutôt d'accord.

Donald Trump et son mur à la frontière américano- mexicaine ont fait au moins un émule à Saint Domingue. Le président Luis Abinader veut construire une clôture le long des 376 km qui séparent son pays d'Haïti.

Luis Abinader, président de la République dominicaine

La clôture sera doublée aux endroits « les plus conflictuels ». La surveillance sera renforcé par des capteurs de mouvement, des caméras de reconnaissance faciale et des systèmes infrarouges. La construction devrait débuter au second semestre de cette année.

Le chef de l'Etat dominicain souhaite ainsi lutter contre  les trafics de drogue ou de voiture volées, et surtout contre l'immigration illégale. Des problèmes qui devraient donc, selon lui, être réglés d’ici 2 ans.

« …Trop d’Haïtiens, c’est plein d’Haïtiens… »

Plus de 500 000 Haïtiens vivent en République dominicaine avec des dizaines de milliers de leurs enfants. Un quartier de la capitale s’appelle même Pequeño Haïti (Petit Haïti). Une présence parfois mal ressentie par la population locale. L'annonce présidentielle est donc souvent bien accueillie. Comme par  Lucia, une étudiante de 23 ans qui n’a pas caché ses sentiments à l’AFP :

« Il y a déjà trop d'Haïtiens, c'est plein d'Haïtiens, on ne peut même pas prendre rendez-vous avec le médecin car c'est plein d'Haïtiens, il y a des Haïtiens partout, donc je pense que le mur est une bonne idée. »


Même son de cloche chez Antonio Mejía, un homme sans emploi de 62 ans :

« Cela permettrait de contrôler la migration d'un pays à l'autre, il n'y aurait pas autant de problèmes »

 

« Persécution permanente »

D'autres, en revanche, déplorent une exacerbation de la xénophobie et du racisme, à l’image de William Charpentier, coordinateur de l'Office National des Migrations et des Réfugiés de la République dominicaine :

« Il y a une persécution permanente. Nous regrettons vraiment qu'un gouvernement qui prétend être un gouvernement de changement ne respecte pas la dignité et les droits des immigrants »

 

Une décision pas forcément réaliste ?

La mesure fait suite à un accord récent entre les 2 pays, justement pour renforcer la sécurité et réduire l'immigration clandestine, depuis longtemps sources de tensions. Mais tout n'est pas simple. Certains secteurs comme le bâtiment ou l'agriculture ont besoin de main d'œuvre étrangère. Josue Gastelbondo, chef de l'Organisation Internationale pour les Migrations en République dominicaine plaide pour une politique équilibrée :

« Des mesures telles que le renforcement des contrôles aux frontières devraient idéalement être complétées par des mesures visant à promouvoir une migration régulière et ordonnée. »


De toutes façons, aux yeux de spécialistes, tant que Haïti souffrira d'une pauvreté extrême et d'instabilité politique, la pression migratoire restera importante. A l'image de celui de Donald Trump, le mur en projet n'y changera pas grand-chose. Mieux vaudrait, selon eux, un vrai développement de la zone frontalière, qui profiterait aux 2 pays.