Samuel Ajakaiye assistant de langue : de l’université d’Oxford au lycée Max Joséphine à Cayenne

Samuel Ajakaiye à l'université d'Oxford
Samuel Ajakaiye frôle les 2m. Avec sa carrure athlétique et son allure de basketteur, on l’imagine très bien à l’intérieur d’une raquette, réussir un spectaculaire smash. Mais ce jeune homme de 20 ans est assistant de langue anglaise pour 7 mois au lycée Max Joséphine. Un parcours singulier pour ce natif de Londres qui étudie l’histoire et la littérature française à l’université d’Oxford.
Samuel Ajakaiye assistant de langue anglaise au lycée professionnel Max Joséphine

Dans un français impeccable, Samuel raconte son parcours qui le conduit de la Grande Bretagne à la Guyane. Il se passionne pour la littérature française qu’il étudie depuis le collège. Un goût pour cet enseignement qui lui a permis d’effectuer plusieurs séjours dans des villes françaises (Strasbourg, Nice, Marseille, Paris…). L'université d'Oxford où il est boursier, lui a offert d’autres perspectives dont celle de venir en Guyane :  

« Étudiant en histoire et français, je suis en licence et je dois passer une année en dehors de l’Angleterre dans un pays étranger. L’option la plus évidente était la France mais pour moi il y avait une opportunité d’aller aux Antilles françaises ou en Guyane. J’ai candidaté pour être assistant de langue et j’ai été affecté en Guyane. En Angleterre, il y a 3% de gens noirs et ici le pourcentage est beaucoup plus élevé. C’était une chance unique d’être sous un autre climat, de découvrir une autre culture et une partie du monde qui n’est pas très connue »

« L’éducation a été une clé pour beaucoup de mes opportunités »

Né à Londres, Samuel est d’origine nigériane par ses parents. Son père est agent de sécurité et sa mère comptable.

« Ma mère après avoir immigré a travaillé à Londres dans un Burger King tout en suivant une formation pour être comptable. Mes parents ont toujours eu ce désir que leurs enfants - j’ai deux frères - fassent des efforts à l’école, au collège, au lycée et après à l’université. Nous habitions auparavant au centre-ville de Londres, les écoles n’étaient pas idéales dans notre quartier. Nous avons déménagé en banlieue pour trouver des écoles publiques meilleures. Toute mon enfance, ma mère a mis l’accent sur l’idée que l’instruction est vraiment une façon de faire des choses qui m’intéressent, faire carrière  et pas juste pour gagner de l’argent. Je dois dire que l’éducation a été une clé pour beaucoup de mes opportunités. Je suis reconnaissant envers mes parents ! »

Le premier choix de Samuel était d’intégrer Oxford. Il a été ravi d’obtenir une place grâce à un très bon dossier et aux différents entretiens réussis avec ses futurs professeurs.

Samuel Ajakaiye à l'université d'Oxford

« … Le lycée Max Joséphine est un parfait exemple de la diversité »

Aujourd’hui, il se trouve depuis le mois d’octobre au lycée Max Joséphine face à une toute autre réalité qui le passionne :

« Il y a aussi des lycées professionnels en Angleterre mais j’ai dû m’adapter un peu à une scolarité différente ici. Le lycée Max Joséphine est un parfait exemple de la diversité comme peut-être tous les lycées en Guyane. Au début de l’année avec les différentes classes, j’ai fait des présentations et j’ai voulu en savoir un peu plus sur les origines des élèves. La plupart d’entre eux parlent plusieurs langues, le portugais, le français, une langue amérindienne… Cela m’a surpris. Il y a des gens qui ont appris plus de langues que moi, cela m’a vraiment impressionné et aussi les équipements. Ils sont bien meilleurs que dans beaucoup d’établissements en Angleterre. Et dire que j’avais l’idée en venant ici que la qualité des établissements serait bien inférieure. J’ai dû m’adapter, je croyais que tout le monde pourrait s’exprimer un peu en anglais mais il y a des élèves qui n’y arrivent pas. J’ai dû trouver d’autres outils pour les aider à parler ma langue maternelle. »

Samuel Ajakaiye lors d'une rencontre à Régina

Samuel est presque aussi jeune que ses élèves avec lesquels ils jouent parfois au basket ou au football. Sa grande taille l’aide à s’imposer auprès d’eux pense t-il : « Je suis là pour les aider à parler anglais, je peux avoir des conversations avec eux et évoquer ce qui est important pour eux, sur la culture, sur leur vie quotidienne et pour moi c’est la meilleure façon d’apprendre une langue… Il faut leur donner la passion et la motivation de vouloir parler anglais, c’est ce que je veux réussir en Guyane. »

Avec les professeurs, il y a différentes approches mais Samuel apprécie le travail accompli notamment avec l’utilisation des actualités, des échanges sur les réseaux sociaux ou encore les commentaires d’affiches des années 60 sur les thèmes du sexisme et de la misogynie. Le but est de parvenir à ce que les élèves s’expriment. Tout ce qui lui a manqué quand il apprenait, lui, le français… les choses du quotidien.

« J’ai appris plus en 3 mois sur ce continent  qu’en plusieurs années d’études »

Ces quelques mois en Guyane alimentent la réflexion de Samuel sur l’Amérique du Sud. En premier lieu, le positionnement de la Guyane, seule entité francophone sur ce continent. Pour lui, il voit davantage cette région comme faisant partie des Antilles et en même temps, il touche du doigt toute la diversité de l’Amérique du Sud. Il avait une vision en venant d’Angleterre plutôt exotique qui ne correspondait nullement à la réalité.

La découverte du Surinam par un petit groupe d'assistants de langues

Un voyage au Suriname, lui a encore plus ouvert les yeux sur la colonisation et ses différents effets :

« J’ai appris plus en 3 mois sur ce continent  qu’en plusieurs années et ce n’est pas fini… »

Une ouverture sur les différentes cultures confortée par le groupe qu’il forme avec la trentaine d’assistants de langues venus d’Europe, de Colombie, du Brésil et d'autres pays.

Samuel réside à au centre-ville de Cayenne. Il n'est pas dépaysé car ce quartiier lui rappelle celui de  de Peckham à Londres où il a grandi. Il y a retrouvé ce mélange de populations étrangères, le marché cosmopolite ou encore les langues diverses entendues dans la rue.

Dans un avenir proche Samuel espère devenir consultant pour les services publics dans le domaine de l’énergie et des ressources naturelles. Ensuite, il se concentrera sur les problématiques de développement au Nigéria et d’autres pays africains en utilisant ses connaissances en anglais et en français. Mais il reconnait que ce ne sont que des projections, cela peut encore changer car il n’a que 20 ans, ajoute t-il en riant.

Il termine son séjour guyanais au mois d’avril. En février, il sera à Rio de Janeiro au Brésil et fin mars en Martinique, de quoi avoir une vision encore plus affinée des réalités amazoniennes et caribéennes.

  • Université d’Oxford : université anglaise réputée dans le monde entier pour la qualité de ses enseignements. La ville d’Oxford se situe à 90 km au nord-ouest de Londres
  • Assistant de langue : un dispositif qui permet aux étudiants étrangers de contribuer au développement des compétences linguistiques et culturelles dans le cadre de l’apprentissage de la langue étrangère dans un établissement scolaire d’accueil.