Soyouz : Arianespace va verser près de 3 millions d’euros à la CCDS suite à un « oubli fiscal »

La mairie de Sinnamary évoque un « oubli de versement de fiscalité de Soyouz »
La Communauté des Communes des Savanes (CCDS) va recevoir 2 872 096 euros d’Arianespace au titre de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) non versée pour les années 2015 à 2018. La chambre de commerce pourrait aussi recevoir près de 500 000 euros.

 
Tout commence le 10 octobre 2018, lors de l’émission « Politk 1.c’est vous ». L’invité est le maire de Sinnamary : interrogé sur les retombées financières de Soyouz pour sa commune, Jean-Claude Madeleine déplore l’absence de retombées fiscales d’une base entrée en service en 2011. « Rien », indique-t-il, après avoir sollicité un « joker », puis marqué un long silence. Visiblement, cette intervention a marqué les esprits. Le maire de Sinnamary dit avoir été approché début 2019 par Arianespace, la société qui exploite Soyouz en Guyane, après l’émission :

« Ils ont reconnu qu’il y avait des erreurs (je ne veux pas entrer dans les détails) et qu’ils étaient en train de travailler sur ces erreurs… » Jean-Claude Madeleine, maire de Sinnamary

              
Dans un courrier adressé le 28 février dernier à François Ringuet, le président de la Communauté des Communes de Savanes (CCDS), Jean-Claude Madeleine est plus précis. « Après maintes réunions avec Arianespace, il m’a été confirmé un oubli de versement de fiscalité de Soyouz », indique le maire de Sinnamary, qui ajoute : « Je suis extrêmement heureux de constater que mes interpellations ont été prises en compte puisque ce ne sont pas moins de 4 années antérieures de rôles supplémentaires de CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) qui vont être reversés à la CCDS au titre des années 2015-2016-2017-2018. M. Catanese, le DRFIP (Directeur Régional des Finances Publiques) m’a confirmé ce retour sur 4 années d’Arianespace ». Dans son courrier à François Ringuet, le maire de Sinnamary précise que 2 872 096 euros vont être versés à l’intercommunalité. Jean-Claude Madeleine propose que la totalité de cette somme soit abondée dans le budget de la CCDS à la ligne « versement d’un fonds de concours aux communes ». Le maire de Sinnamary conclut sa lettre en appelant à une « concertation » afin de « proposer une clé de répartition – entre communes – au bureau et au conseil communautaire ».


Les services fiscaux sont remontés jusqu’au siège d’Arianespace

Sollicité, le Directeur Régional des Finances Publiques, Jean-Claude Catanese, a confirmé la somme avancée par la mairie de Sinnamary. S’il n’a pas pu donner plus de précisions sur ce dossier – devoir de réserve oblige – le DRFIP a rappelé des principes généraux. En ce qui concerne la CFE, elle est « déclarative », c’est donc à la société concernée de la déclarer.

"Une entreprise, quelque soit sa taille, lorsqu'elle fait construire un bâtiment ou lorsqu'elle achète un terrain...elle doit faire une déclaration pour indiquer le montant de ses évolutions ». Jean-Claude Catanese, directeur régional des Finances Publiques

Par ailleurs, dans le cas des grandes entreprises du type d’Arianespace, il est nécessaire selon le directeur régional des Finances Publiques de remonter au siège pour avoir des réponses sur les déclarations de CFE.

"Sur ce dossier là comme sur les autres, notre rôle est de s'assurer que les taxations soient bien émises".

Contacté le 8 juillet, Arianespace n’a pas répondu à notre demande d’interview, officiellement en raison de l’activité opérationnelle (lancement et suites de l’échec Véga) qui a occasionné un planning chargé pour le directeur local.


Près de 500 000 euros pour la chambre de commerce ?

La chambre de commerce pourrait également faire partie des bénéficiaires de ce « redressement » sur 4 ans. Selon un document intitulé « rôles supplémentaires de CFE » transmis par la mairie de Sinnamary (des données établies par la Direction Régionale des Finances Publiques), près de 500 000 euros devraient revenir également à la chambre consulaire, pour les années 2015 à 2018. Contacté par Guyane la 1ère, Olivier Taoumi, directeur général de la CCIG, a indiqué ne pas être au courant. Une démarche sera faite auprès de la DRFIP pour savoir ce qui sera versé au final à la chambre de commerce.


Fiscalité du spatial en Guyane : une situation contrastée

Cet « oubli fiscal » d’Arianespace est à remettre en perspective dans un contexte global. D’un côté, le CSG est un gros contributeur fiscal au niveau local : en 2014, selon l’INSEE, la filière spatiale représentait 58 millions d’euros de recettes fiscales en Guyane. Par ailleurs, le CNES contribue à l’investissement des communes via des conventions (12 millions d’euros de 2014 à 2020), auquel s’ajoute l’annexe au contrat de plan Etat-Région (puis Etat-CTG depuis 2016). D’un autre côté, le CSG bénéficie d’exonérations conséquentes. Ainsi, Arianespace est totalement exonérée d’octroi de mer pour les importations d’éléments de fusées et de satellites, et le CNES est exonéré de CFE, au titre de son statut d’Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial.
Interviews : 1. Jean-Claude Madeleine, maire de Sinnamary - 2. Jean-Claude Catanese, directeur régional des Finances Publiques en Guyane. Reportage: Laurent Marot/Martial Gritte . ©Guyane La 1ère