TÉMOIGNAGE. "Quand on a l'endométriose, on se sent seule"

Semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose
En France, l'endométriose touche entre 1,5 et 2,5 millions de femmes en âge de procréer. La maladie, qui est encore méconnue d'un grand nombre de personnes, impacte le quotidien de celles qui en sont atteintes. À l'occasion de la semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose, Johana nous a raconté son parcours.

En France, une femme sur 10 est touchée par l’endométriose. C’est le cas de Johana, 38 ans. Elle a été diagnostiquée en 2012. Un soulagement. "J'avais des crises qui faisaient qu'à un moment je ne pouvais plus marcher, j'avais la sensation qu'il y avait un couteau qui me transperçait", se souvient Johana. Elle se rendait environ quatre fois par semaine aux urgences gynécologiques de Créteil.

Ils ont décidé de m'envoyer vers un médecin qui a eu l'idée de me faire une IRM, et le radiologue a tout de suite vu un envahissement endométriosique. Le diagnostic était très clair [...] J'ai compris à ce moment que je n'étais pas folle.

Mais ce diagnostic marquait aussi le début d’un long et difficile parcours de soins. "Et vous savez, quand on a de l'endométriose, ce n'est pas trop accepté qu'une femme arrête de travailler pour ses règles... Donc on fait semblant de ne pas avoir mal", indique Johana.

Une prise en charge de plus de 10 000 euros

En plus de 10 ans, Johana a rencontré de nombreux spécialistes, essayé la médecine douce et subit différentes opérations. Elle avait des adhérences et ressentait des douleurs jusqu'à sa poitrine. "Des fois, j'avais l'impression de faire des crises cardiaques", décrit-elle. L'une des opérations visait à retirer ces adhérences. Elle est normalement prise en charge par la sécurité sociale.

J'ai été opérée de l'endométriose en 2020, l'année COVID [...] Cela devenait vraiment handicapant. J'avais consulté un gynécologue, qui m'avait conseillé d'aller dans le privé parce que je n'arrivais pas à joindre l'APHP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris). J'imagine que c'était dû au contexte COVID... Cette prise en charge m'a coûté presque 10 000 euros au total.

L'opération ne s'est pas bien passée, se souvient Johana. Elle regrette notamment l'absence d'un collège d'experts lors de ses consultations. Néanmoins, elle a ressenti un soulagement quelque temps suite à cette opération. "Je pouvais tenir debout, il y avait une amélioration", dit-elle... Même si elle a encore des crises aujourd'hui.

"Je suis dans des démarches pour sauvegarder ma fertilité"

Les femmes atteintes d’endométriose peuvent rencontrer des difficultés à concevoir des enfants. Johana a fait le choix de conserver ses ovocytes. Un parcours, là aussi, douloureux. Il n'y a pas de garantie qu'elle pourra être mère un jour, "il y a 30% de chance de réussite par ovocyte" dit-elle

J'ai beaucoup de crises en ce moment, car ça fait un mois que je suis sous hormones. Je me suis faite opérée hier, donc je souffre. J'ai déjà fait une première préservation ovocytaire en anesthésie locale... ce que je ne recommande pas. Et j'ai tout senti : le tuyau qui traversait mon utérus pour rejoindre mes ovaires lors de la première ponction... et je vous assure que c'est extrêmement douloureux de sentir ses ovaires et son utérus percés.

"Il semble y avoir en face une indifférence"

Mais le plus difficile, c’est d’être confronté à la solitude. Johana souhaite parler de son expérience pour que la société civile ait conscience de ce qu'est l'endométriose. Elle milite aussi pour la mise en place d'un parcours de soins avec une meilleure communication. Elle aimerait qu'une liste des démarches à suivre soit présentée aux patients, et que ces dernières soient aussi informées qu'il existe des façons de préserver leur fertilité. Elle, qui est également soignante, constate une différence de prise en charge entre les femmes, dont la douleur est sous-évaluée, et les hommes.

J'ai vraiment intégré que je devais me débrouiller toute seule face à cette maladie [...] C'est le fait de se dire que là je suis dans une souffrance... et qu'il semble y avoir en face une indifférence. Il n'y a pas une volonté de montrer ou de vouloir en faire plus. On ne nous propose pas d'alternative. Le plus dur, c'est l'indifférence. On signale quelque chose, on ne devrait pas avoir à faire un skecth pour le signaler, on devrait être prise en considération. Je souffre, ça devrait suffir.

Johana souhaite tout de même transmettre un message d’espoir. Pour elle, l’endométriose ne doit pas être taboue. Elle est persuadée que la médecine progressera en la matière, surtout si on en parle.