Vessies natatoires : face à l'ampleur du trafic, l'Etat tente de légaliser toute la filière en Guyane

vessies natatoires
Les vessies natatoires d’acoupas, pêchées et commercialisées illégalement, se multiplient. L’Etat souhaite favoriser la légalisation de la filière. Une dizaine d'entreprises spécialisées dans la transformation et l'exportation de ce produit pourraient bientôt se lancer.
C’est un trésor qu’abritent les eaux guyanaises.
La vessie natatoire d’acoupa : une poche interne remplie de gaz qui lui permet de contrôler sa profondeur et sa nage.
Ces vessies se vendent à plus de 150 euros le kilo pour l’acoupa rouge, souvent illégalement, elles sont destinées au marché asiatique.
Il s’agissait jusqu’à présent d’un complément de revenu, mais après une longue enquête, les Affaires maritimes se sont rendu compte qu’elles représentent aujourd’hui 70 % du revenu estimé de toute la pêche côtière en Guyane.
Face à ce constat, l’Etat, qui procède régulièrement à des saisies,  veut favoriser la légalisation de toute la filière.


 Bruno Morin, administrateur des Affaires maritimes
" C'est toute la difficulté, aujourd'hui on ne veut pas déstabiliser le marché ni l'économie en place, le but c'est tout simplement de la rentrer dans une économie complètement légale".

La valeur ajoutée de l’acoupa rouge comme de l’acoupa aiguille se concentre sur sa vessie natatoire.
Or il faut selon la Direction de la mer environ 30 kilos d’acoupas pour obtenir 1 kilo de vessies, en frais.
Il existe donc un risque de pillage de la ressource qui pourrait à terme menacer l’espèce.

Bérengère Blin, cheffe du service alimentation à la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Guyane (DAAF)
"Depuis fin 2017, il y a deux entreprises qui sont agréées, et en ce moment, en cours, on a quasiment entre dix et quinze dossiers qui sont en cours soit d'instruction, soit d'approche de nos services. Donc on sait , et tous ces acteurs là sont identifiés comme étant intéressés par ce type d'activité, et donc c'est une filière qui est en train de se construire".

Dans le centre de Cayenne, Yves Li et Suzanne Zhang dirigent un magasin de vêtements. Mais au fond de la cour de leur immeuble, c’est un atelier de préparation de vessies natatoires qu’ils s’apprêtent à ouvrir dans quelques semaines, s’ils obtiennent l’agrément nécessaire.
Tout est prêt, même les sanitaires et les vestiaires pour les employés. Les vessies seront séchées dans un appareil spécifique avant d’être exportées en Chine.

 Yves Li et Suzanne Zhang, commerçants
" Si c'est frais, on ne peut pas envoyer là bas en Chine. Il faut que ce soit sec pour l'exporter en Chine.Il faut que ce soit bien nettoyé avant de l'expédier".

Une filière légale semble donc être vraiment sur le point d’apparaître.
Mais les pêcheurs professionnels, qui sont les premiers concernés par cette opération, ne sont pas convaincus par ces premiers résultats.

Georges-Michel Karam, président du comité régional des pêches maritimes
"Si il n'y avait pas les vessies natatoires depuis une dizaine d'années, il n'y aurait plus de pêche en Guyane. Parce que ce n'est pas avec le prix d'un poisson à trois euros que l'on va arriver à payer quatre marins sur un bateau".
" Nous sommes au courant du prix de la vessie natatoire, au Suriname ils ont un prix, au Brésil c'est le même prix qu'au Suriname, à Georgetown c'est un prix identique. Alors pourquoi veulent-ils nous baisser le prix ? Et le meilleur, c'est qu'ils ne sont même pas capables de nous payer en prix et en heure".


Armateurs et pêcheurs contestent le risque d’une mise en péril de la ressource en acoupas et pointent du doigt la pêche illégale venue du Brésil et du Suriname, ainsi que les abus effectués par les plaisanciers.

Le reportage de Guyane La 1ère TV (Sébastien Laporte/ Franck Fernandes/ Sean Palamy/ archives)