INTERVIEW. "Cette montée de la violence à l'égard des secours n'est pas normale", Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile

Entretien avec le directeur de la Sécurité civile en Nouvelle-Calédonie ©NC la 1ère
Depuis quelques semaines, les véhicules de secours sont la cible de caillassages, d'insultes et même de tirs. Une montée de la violence à laquelle les pompiers, la sécurité civile, les ambulanciers ou encore les soignants ne sont pas habitués. Un triste constat dressé par le général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile, en Nouvelle-Calédonie. Il était l'invité du JT de NC la 1ère, le mardi 25 juin.

Des impacts de balle dans un camion de pompier, des insultes, des pièges ... Les secours sont victimes de nombreuses exactions depuis quelques jours, en Nouvelle-Calédonie. Une montée de la violence qui "n'est pas normale", selon Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile, invité du journal télévisé de NC la 1ère, ce mardi 25 juin.

Loreleï Aubry : Récemment, un camion de pompiers a essuyé des impacts de balle, que cela vous inspire-t-il ? 

Frédéric Marchi-Leccia : De la crainte, de la tristesse... Notre mission se résume en deux mots : porter secours ! On ne parle pas de politique, de religion, de niveau social. On ne peut pas être pris à partie quand on sert cette mission. Je parle pour les soignants, les ambulanciers, quelle que soit la nature des gens qui portent secours. Ce n'est pas normal qu'on soit victime d'insultes, de caillassages et plus récemment de tirs. Cette montée de la violence à l'égard des secours n'est pas normale !

"On assiste à une montée en puissance"

L.A: Est-ce que la violence a toujours été là depuis le début des émeutes ?

F. M-L : Pas au tout début, on avait des facilités pour passer, même si on a essuyé des insultes. Mais là, on assiste à une montée en puissance, avec des jets de pierre. C'est une vraie opposition. Certains engins ne passent plus dans certains endroits. J'ai pour preuve un véhicule qui devait monter dans le Nord en renfort, qui a été intercepté à Tomo et n'a pas pu passer. 

L.A: Selon vous, cette montée de violence est due à quoi ?

F. M-L : J'ai l'impression que tout discernement a disparu devant tout ce qui peut représenter l'autorité. On a des uniformes, des véhicules avec des gyrophares bleus, on a des codes, peut-être que ça attise maintenant la haine, comme les forces de l'ordre l'attisent également.

Je pense qu'il y a un mélange qui est fait dans les missions de chacun, évidemment les forces de l'ordre ne sont pas faites pour être caillassées, ni insultées, bien évidemment, mais les missions sont différentes. Et j'ajoute qu'en tirant sur les secours, on tire sur les enfants du pays. Les pompiers de Calédonie sont d'abord des enfants du pays. 

C'est un nouveau pas vers la dégradation du vivre ensemble

Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile

L.A : Pensez-vous que l'usage de l'arme à feu contre le véhicule de secours, à Dumbéa, est un acte isolé ? Comment se sentent les agents ?

F. M-L : J'espère que c'est un acte isolé. Je connais les agents victimes de ces tirs, ce sont des gens solides. Je peux vous dire qu'ils ont souffert dans leur tête, pas dans leur chair, dieu merci.

Mais on n'a pas l'habitude de faire face à ce type de situation, on n'est pas fait pour être attaqué, la dimension d'agression n'est pas dans notre ADN, même si nos métiers sont difficiles. On n'est pas préparé pour ça. En Métropole, c'est malheureusement devenu monnaie courante, ce n'est pas le cas en Nouvelle-Calédonie. C'est un nouveau pas vers la dégradation du vivre ensemble.

"Nous n'avons pas porté le soin qu'ils attendaient et ça, c'est extrêmement douloureux "

L.A : De fait, les agents sont-ils plus réticents à aller sur le terrain ?

F. M-L : On ressent de la réticence et de la frustration. Quand on s'attend à être agressé, on y va avec moins de fougue mais on y va quand même. Mais le plus frustrant, c'est de ne pas pouvoir porter secours, d'être bloqué sur un accès, de ne pas pouvoir éteindre un incendie...

Je serais prêt à dire pardon à tous ces gens à qui on n'a pas porté secours pendant ces évènements, nous n'avons pas fait notre métier, nous n'avons pas porté le soin qu'ils attendaient et ça, c'est extrêmement douloureux.

L.A : Il y a eu d'autres incidents dans les communes, des intrusions dans les casernes, des pièges...

F. M-L : Sur les interventions, on retrouvé des dispositifs destinés à exploser à l'approche des secours, ça a marché plus ou moins bien. Il n'y a pas eu de blessé mais ça témoigne d'une volonté de tuer ou même de blesser, et c'est très grave.