Le coût total du projet s'élève à 336 millions d'euros, dont 257 millions, soit 76% de la facture, seront financés sur fonds publics, la CMA-CGM ne finançant qu’1/4 des futures infrastructures. On peut comprendre que la compagnie maritime se félicite de cet accord qui va lui permettre de bénéficier d’installations plus performantes en n’en payant qu’une petite partie.
On peut en revanche s’interroger d’avantage sur la satisfaction affichée par l’état et les collectivités locales. Le projet suscite en effet certaines craintes et pose plusieurs questions de fond.
Question de sécurité tout d’abord. Devant une commission d'enquête sénatoriale, les procureurs de Martinique et de Guadeloupe n’ont pas caché qu’ils redoutaient que le hub portuaire n'attire encore plus les narcotrafiquants.
Question d’impact environnemental ensuite. Les zones portuaires sont directement concernées par le réchauffement climatique sur deux aspects essentiels : l’émission importante de gaz à effet de serre (GES), que l’accroissement espéré du trafic ne risque pas de réduire, et les risques littoraux, en particulier de submersion marine, risques extrêmement élevés dans la zone de Jarry. Sans compter l’impact direct sur les écosystèmes littoraux et leurs fonctions écologiques, vitales mais déjà fragilisés.
Dernière question, essentielle là aussi, celle de la stratégie de développement. Pas celle de la CMA-CGM, mais celle de la Guadeloupe et de la Martinique. Avoir pour ambition de faire du transbordement de containers, est-ce vraiment un projet porteur, d’avenir et de retombées positives, pour un territoire en développement ?
Du point de vue de l’emploi, les perspectives sont ridicules au regard des sommes investies. Quelques dizaines d’emplois, au mieux, dont une grande partie peu qualifiés. C’est beaucoup moins bien que tous les dispositifs d’emplois aidés, pourtant tant décriés.
Du point de vue économique, le modèle dans lequel ce projet nous insère, c’est celui du toujours plus, plus de concurrence, puisque la CMA-CGM développe parallèlement le même projet en Jamaïque, et que les autres îles de la Caraïbe suivent des chemins similaires, sous la coupe des autres gros transporteurs, plus de containers, plus de marchandises, plus de bateaux, plus de rotations.
Un modèle qui, on le sait, va droit dans le mur.