Kali’na, palikur, wayana, apalaï et wayãpi. Cinq des sept langues amérindiennes parlées en Guyane le sont aussi au Brésil. Cette absence de frontière entre nos deux pays ne se retrouve pas que dans la linguistique. « Dans le cas des céramiques, il n’y a pas de frontière : il y a des pièces très intéressantes ici ou à Macapà qui sont similaires » indique Eduardo Neves. L’homme sait de quoi il parle. Directeur du Musée d’archéologie et d’ethnologie de l’Université de São Paulo, il est également un spécialiste du sujet. Comme lui, d’autres professionnels du monde de la culture à São Paulo sont présents chez nous pour une semaine : Roberta Saraiva, directrice technique du Musée de la langue portugaise basé à São Paulo et son collègue, Fernando Gallo, programmateur culturel, Majoí Gongora, anthropologue ainsi que Nadège Mézié, conseillère de coopération à la Fondation publique de financement de la recherche de l’Etat de São Paulo (FAPESP).
Leur mission : mettre en place, avec les acteurs locaux, une exposition sur les langues de frontière. Le projet entre dans le cadre de la Saison France-Brésil en 2025, voulue par les présidents Lula et Macron, à l’issue de leur rencontre en juin 2023 à Paris. Pour donner un nouvel élan à la relation entre les deux pays, qui fêtera ses 200 ans en 2025, plusieurs actions fondées sur des partenariats entre institutions et organisations françaises et brésiliennes, seront proposées dans chacun des pays.
Une exposition sur trois secteurs
En 2022, l’artiste autochtone Daiara Tukano a été la commissaire de l’exposition « Nhe'ē Porã: mémoire et transformation » qui a été montrée au Musée de la Langue Portugaise à São Paulo. Cette exposition a ensuite voyagé plusieurs villes du Brésil et à Paris.. « Mais le projet n’est pas de faire venir cette exposition en Guyane », précise Roberta Saraiva. Il s’agirait plutôt de transposer l’expérience paulista chez nous. « C’est une exposition avec une structure intéressante, avec des artistes contemporains, des objets et des documents historiques, des cartes, des chiffres et des informations sur nos populations » énumère Roberta Saraiva.
Anne-Marie Chambrier, du Pôle culturel, patrimoine et identités de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), qui accompagne la délégation, abonde dans ce sens. « Quand on visite un musée, c’est souvent du point de vue européen : on prend un objet pour animer un espace pour tenter de refléter la pensée et l’esprit autochtone. Ce que nous souhaitons faire, c’est proposer quelque chose dans un autre format avec des artistes, locuteurs et linguistes autochtones. La réussite de cette exposition ne peut pas se faire sans cela. »
L’exposition qui devrait voir le jour, devrait être proposée sur trois secteurs: sur le littoral, à Saint-Laurent et à Saint-Georges. Reste encore, entre autres, à identifier les lieux. Jusqu’à dimanche, les visites et rencontres se poursuivent dans ce sens.
Appel à projet pour créer un réseau entre les chercheurs
Deux chercheurs sont également du voyage : Rafael Andery Sampaio et João Artur da Silva Reis d’Initiative Amazônia+10. Eux sont venus à la rencontre de leurs homologues de Guyane avec un objectif : présenter un appel à projet pour des ateliers en France, en Guyane et au Brésil. « L’idée, indique Rafael, est de financer et de créer un réseau entre les chercheurs Brésiliens et ceux de Guyane. Nous avons déjà des partenaires internationaux comme le Royaume-Uni, la Suisse, l’Allemagne. La Guyane serait le premier partenaire international et d’Amazonie.»
L’appel à projet est ouvert pour quatre thématiques : biodiversité et changement climatique, peuples traditionnels et production de connaissances, santé, vie économique comme moteur de développement durable. Chaque atelier sera financé jusqu'à 170 000 réais. Le programme disposant d'une enveloppe globale de 700 000 réais.