Le bagne des Annamites ou l’histoire tragique des déportés politiques indochinois en Guyane

L'écrivain Christèle Dedebant est historienne et journaliste
Les ruines du bagne des Annamites sont devenues un haut lieu touristique de la commune de Montsinéry-Tonnégrande. Le site est d’ailleurs très visité durant la période sèche. L’historienne et journaliste Christèle Dedebant a travaillé douze années sur ce pan de l’histoire guyanaise. Son livre : Le bagne des Annamites, les derniers déportés politiques en Guyane est paru le 15 mai aux éditions Actes Sud. À travers le parcours de Joseph Tran-Tu-Yen ancien déporté et d’autres indochinois, l’auteure nous dépeint le tragique destin de ces victimes de la colonisation française.

L’intérêt de Christèle Dedebant pour l’histoire des Annamites de Guyane est né à Paris, boulevard de Belleville à la veille de partir pour un reportage en Guyane sur les orpailleurs du côté brésilien. Elle y rencontre une amie peintre moitié algérienne, moitié vietnamienne qui, en apprenant sa destination, lui a dit avoir son grand-oncle en Guyane. Il s’appelle Joseph Tran-Tu-Yen, héros communiste, il a été envoyé au bagne dans les années 30 : « Je trouvais l’histoire incroyable… J’ai tiré un fil. J’ai rencontré toute la famille Tran-Tu-Yen et beaucoup d’autres descendants de ce convoi de 1931. Habitant Aix-en-Provence où sont situées les Archives des Outre-mer et voyageant en Guyane depuis l’âge de 15 ans, je me suis plongée dans ce récit ».

Une histoire au long cours et incarnée

« En tant qu’historienne, je suis très intéressée par la décolonisation et ce récit de colonisation transversale, des Indochinois envoyés en Guyane qui repassent par la France et repartent pour certains d’entre eux en Indochine, j’ai trouvé cela extrêmement fertile comme histoire.
Ce livre est un zoom historique sur la période de 1931. J’ai effectué un travail de fourmi pour suivre le destin d’une dizaine de ces forçats dont Joseph Tran-Tu-Yen et cela a pris beaucoup de temps. C’est une histoire au long cours très enrichissante car très incarnée. »

Ces Indochinois avaient été installés sur plusieurs zones dans la forêt et comme l’explique Christèle Dedebant : « Ce qui reste du site du bagne ce sont la crique Anguille, la Forestière et Saut Tigre qui a été immergé par les eaux du barrage de Petit-Saut. À crique Anguille se trouve le quartier le plus disciplinaire de tous, c’est-à-dire la réclusion cellulaire qui était en béton. Des cellules construites pour des évadés multirécidivistes. Car il y a eu beaucoup d’évasions à crique Anguille, des grandes mobilisations avec énormément de grèves de la faim et du travail. Les Annamites étaient noyautés par des déportés politiques à l’intérieur. On peut même dire qu’une certaine forme de décolonisation était déjà à l’œuvre dans ces bagnes où l’on s’opposait au pouvoir grâce à ces prisonniers militants communistes, nationalistes chevronnés qui éduquaient les autres prisonniers à la rébellion. »

J’ai beaucoup travaillé avec Josette Tran-Tu-Yen qui est passionnée par la vie de son père. J’ai suivi ses pas avec le demi-frère de son père, son oncle qui a plus de 90 ans qui s’appelle aussi Tran-Tu-Yen, vit au Vietnam et ressemble beaucoup à son défunt père. Elle lui rend visite tous les ans.

Josette Tran-Tu-Yen, fille de Joseph Tran-tu-Yen au Vietnam avec son oncle âgé de 90 ans

 

Sur le territoire guyanais le 26 juin prochain, Christèle Dedebant ira à Montsinéry à la rencontre des écoliers dès le lendemain. Elle sera en conférence le 28 juin au bourg de Tonnégrande et le 5 juillet à la Maison des Cultures et des Mémoires de Guyane.
Christèle Dedebant échangera avec ses lecteurs durant ce séjour guyanais à l’occasion de séances de signatures chez les libraires.