Le charbon a-t-il de l'avenir en Australie?

Mardi, le ministre de l'Environnement australien a donné son feu vert à l'agrandissement du port d'Abbott Point, situé sur la côte du Queensland. Un projet pharaonique qui bat néanmoins de l'aile, alors que le cours du charbon chute... 
Le gouvernement a une nouvelle fois prouvé sa foi dans le charbon cette semaine. Mardi, le ministre de l'Environnement a donné son feu vert à l'agrandissement du port d'Abbott Point, situé sur la côte du Queensland. C'est de là que sera exporté le minerai extrait du Bassin de Galilée, le plus grand réservoir d'or de charbon du pays. Un projet pharaonique qui bat néanmoins de l'aile, alors que le cours du charbon chute, et que de plus en plus de pays et d'institutions annoncent vouloir sortir des énergies fossiles. 
 

L’Australie, fidèle au charbon, clé de sa prospérité...

Canberra soutient l’industrie du charbon, qui a toujours joué un grand rôle dans la prospérité du pays. L’ancien Premier ministre, Tony Abbott, a déclaré en octobre 2014: « Le charbon est bon pour l’humanité. Il joue un rôle essentiel dans la prospérité de l’Australie et du monde ». Son successeur, Malcolm Turnbull, poursuit une politique favorable aux producteurs de charbon. 
 
Fin octobre, à l’approche de la COP21, Le Premier ministre a refusé d’imposer un moratoire sur la création de nouvelles mines et l’extension de mines existantes, malgré la pression des dirigeants du Pacifique et de 60 personnalités australiennes. « Cela ne changerait rien du tout aux émissions mondiales de CO2 », a déclaré Malcolm Turnbull. « Si l’Australie arrêtait d’exporter son charbon, les pays achèteraient tout simplement leur charbon ailleurs ». Le gouvernement de Malcolm Turnbull vient aussi de donner son feu vert à l’agrandissement du port d’Abbott Point, dans le Queensland, d’où devrait être exporté le charbon extrait du Bassin de Galilée, le plus grand réservoir de charbon du pays.
 

... mais dans le monde: le mouvement de sortie du charbon prend de l’ampleur 

En juin 2015, les pays du G7 (Allemagne, France, États-Unis, Canada, Italie, Japon, Royaume-Uni) ont initié un mouvement de sortie progressive des énergies fossiles, dont le charbon, d’ici la fin du siècle.
 
L’ONU aussi, prend position pour que la planète sorte de sa dépendance (« addiction », dit Oxfam) au charbon. En novembre 2014, le secrétaire-général des Nations-Unies, Ban Ki Moon, a appelé les institutions financières à ne plus investir dans les énergies fossiles. C’est ce qu’il appelle: « le désinvestissement ». Un appel suivi par plus de 500 institutions financières, y compris en Australie – c’est le cas du fonds de pension Hesta, qui place l’argent des retraites des employés du secteur de santé, par exemple. La Norvège a ouvert la voie en mai, en décidant d’arrêter d’investir une partie de son fonds de pension – le plus gros au monde- dans le charbon.
 
À tel point que l’économiste australien John Hewson,  ancien chef du parti libéral, prévient que le gouvernement australien prend un grand risque en soutenant l’industrie du charbon : « Une crise financière liée au changement climatique serait encore plus grave que la crise financière des subprimes. C’est ce que dit Hank Paulson, qui était le secrétaire au Trésor américain à l’époque de la crise financière mondiale. »
 

Le marché mondial du charbon ralentit

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a publié un rapport cette semaine, dans lequel elle prédit une quasi stagnation du marché du charbon: il croîtra de moins d’1% ces 5 prochaines années. En cause: trop d’offre pour la demande actuelle. La Chine, qui consomme la moitié du charbon extrait de la Terre chaque année – et absorbe un quart des exportations australiennes, est en pleine transition énergétique. « La demande chinoise en charbon s’essoufle car l’économie chinoise se transforme: elle sera basée davantage sur les services que sur l’industrie lourde. Le bouquet énergétique évolue aussi: la Chine mise sur l’hydraulique, le nucléaire, le solaire et l’éolien pour produire son électricité », souligne Fatih Birol, le directeur de l’AIE. Résultat: le cours du charbon chute.
 
Mais le charbon a encore de l’avenir en Australie . La chute du marché chinois sera en partie compensée. Selon l’AIE, l’île-continent prendra une part grandissante du marché des exportations maritimes de charbon. Car au nord de l’Australie, le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et la Corée du Sud continuent à construire des centrales à charbon. Ce qui fait dire à Benjamin Sporton, le directeur de l’association mondiale du charbon, que « le charbon va jouer un grand rôle dans les décennies à venir ».
 
D’autre part, New Delhi veut en effet éclairer tous les Indiens d’ici 2019. C’est un chantier colossal, qui mobilise d’une part les énergies renouvelables (surtout le solaire), et d’autre part, le charbon. Pour cela, l’Inde veut exploiter son propre charbon. Piyush Goyal, le ministre indien de l’Énergie, annonce qu’il veut ouvrir près de 60 mines de charbon dans le pays d’ici 5 ans. Mais pour l’instant, l’Inde doit encore importer massivement.  
 

… mais l’Australie voit grand avec le Bassin de Galilée: grandiose arlésienne ou projet viable?

C’est sur le marché indien que mise Adani. La compagnie minière indienne a reçu le feu vert, de la part du gouvernement du Queensland et de la part du gouvernement fédéral, pour creuser la mine de Carmichael, la plus grande d’Australie, dans le Bassin de Galilée, situé dans le centre du Queensland. 11 autres mines sont en projet dans le bassin de Galilée. Sous les acacias et la terre rouge, sommeillent 25 milliards de tonnes de charbon. Si on extrayait tout ce charbon, et qu'on le chargeait dans des wagons, on obtiendrait un train long de 2,5 millions de kilometres, soit 62 fois le tour de la Terre. À elle seule, la mine de Carmichael émettrait plus de CO2 chaque année que la Malaisie, l’Autriche ou New York.
 
Mais  cette méga-mine n'a pas encore vu le jour, faute de fonds. L’investissement s'élève à 16 milliards de dollars et les banques hésitent à prêter, à cause de la chute du cours du charbon d’une part, et du mouvement de sortie du charbon initié entre autres par les Nations-Unis, qui font désormais du charbon un placement risqué. Seule la banque d’état de l’Inde a promis 1 milliard de dollars à Adani, une somme dont la compagnie indienne n’aurait toujours pas vu la couleur. Quant aux banques françaises, elles invoquent la morale climatique. BNP Paribas, la Société générale et le Crédit agricole ont annoncé qu’elles ne financeraient pas la mine de Carmichael.  Même chose pour la banque britannique Standard Chartered et la banque australienne CAB.
 
« La mine de Carmichael est un projet énorme, extrêmement coûteux. Et en plus, le transport du charbon d'Australie vers l'Inde coûtera cher. Donc beaucoup de gens pensent, à raison, que la mine ne se fera jamais », affirme John Hewson, le directeur de l'Asset Owners Disclosure Project, une organisation qui étudie comment les 500 plus grandes institutions financières mondiales intègrent le risque climatique dans leurs choix d'investissement.