Le feu couvait. L'incendie du Carbet des savoirs traditionnels des amérindiens de Macouria révèle la crise

La maison des savoirs traditionnels amérindiens de Macouria incendiée dans la nuit du 14 mai

L’entrée du village Kamuyeneh de Macouria est désormais marquée par un édifice carbonisé. C’était le Carbet des savoirs traditionnels des habitants Palikur. Un incendie a ravagé la bâtisse. Un feu pour révéler une crise profonde au village amérindien. 

L'odeur du bois calciné envahit encore l'atmosphère. La gendarmerie a posé ses barrières et ses rubalises. Les enquêteurs de l'identification criminelle ont terrminé leurs constatations. Le site n'est plus qu'un amas de poutres brulées et de quelques restes d' objets calcinés. C’était le Carbet des savoirs traditionnels des habitants Palikur de Macouria. Un incendie a ravagé la bâtisse dans la nuit du 13 au 14 mai. Un feu qui couvait depuis des années.

Le carbet des savoirs traditionnels de Macouria détruit

Encore aucune certitude sur les circonstances exactes de l’incendie. Le procureur de la République de Cayenne déclare qu’une enquête est ouverte. "Les investigations sont en cours" précise Samuel Finielz.

Le carbet des savoirs traditionnels de Macouria détruit

Au village, tous les habitants sont persuadés qu’il s’agit d’un acte volontaire. Un incendie commis par un ou des jeunes de Kamuyeneh.

Il y a eu déjà eu un précédent. Un totem placé à l’entrée de la piste a été incendié en 2017. Brûlé 2 ans après son inauguration.
L’enquête n’a pas abouti. Aucun témoin. L’affaire a été classée.

Le totem brulé en 2017

"C’est vrai ! On ne sait toujours pas pour le totem ! Ici personne ne parle" témoigne Josette Narcisse. C'est la présidente de l’association amérindienne Palikur de Macouria.

Après l’incendie du totem en 2017, l’incendie du Carbet des savoirs traditionnels cette semaine a ravivé les tensions dans la communauté.

Le village est divisé en deux clans

Les carbets du village

Les villageois se disent très inquiets. Sous les carbets; les femmes avouent leurs angoisses.

Avec ce bâtiment qui vient de brûler, maintenant, j’ai peur aussi pour mon carbet. Et pour les autres aussi ! Les jeunes vont peut être brûler les autres carbets.

L'artisanat Palikur

Avant, j’étais dans le bâtiment qui a brûlé. Maintenant je suis ici et j’ai peur. Que ce soit le jour ou la nuit, j’ai peur pour le village.

L'artisanat Palikur

Cet incendie révèle un profond malaise qui gangrène le village Palikur de Kamuyeneh. Bagarres, agressions, trafic de drogue et violences familiales font partie du quotidien de la communauté.

Près de 800 habitants. Souvent aucune plainte de déposée auprès de la gendarmerie malgré de nombreux actes de violence.

Narcsisse

"C’est une histoire de famille" témoigne la présidente de l’association Palikur de Macouria.

Ils ont peur pour leur famille. Ils ont peur pour leur maison. Donc personne n’ose dénoncer quoi que ce soit. Quand certains jeunes prennent de l’alcool ou des stupéfiants, tout le monde tourne le dos. C’est vrai, on ne porte pas plainte. On est comme une famille ici. C’est ça notre problème. Comme on est tous parents, on ne veut pas causer du tort à l’autre. C’est le frère ou la tante ….

Josette Narcisse, présidente de l’association Palikur de Macouria.

Réunion au village

Pour tenter de ramener le calme au village, une réunion s’est tenue sous le carbet communautaire suite à cet incendie. Au vu de la tension, la gendarmerie est présente. Les forces de l’ordre participent à la réunion pour tenter aussi d’obtenir des informations.

Réunion sous le carbet

« Sans vous on ne peut rien faire » rappelle le responsable de la gendarmerie. Il faut parler, il faut dénoncer !

Beaucoup de villageois sont présents. Cet incendie a choqué toute la communauté Palikur. Des habitants d’autres villages amérindiens sont aussi venus suivre cette réunion. Une jeune fille de 18 ans du village Norino de Macouria écoute les débats. Cet incendie, elle n’en revient toujours pas.

"Moi je trouve cela choquant, irrespectueux ! C’était le travail des familles. J’espère que justice sera faite"

Le capitaine du village exhorte la population à dénoncer les auteurs de l’incendie. « Il y a des gens qui savent des choses, qui ont vu des choses, il faut parler »  clame le capitaine Fabrice Labonté. Un capitaine élu en 2017 par la communauté. Là encore, le choix divise. L’ancien capitaine est aussi celui qui exposait son artisanat au carbet incendié.

Au lendemain de cette réunion, Fabrice Labonté est aux abonnés absents. Un homme se présente à nous, expliquant être l’un des conseillers du chef coutumier."Il est un peu fatigué. Il est sorti, il est fatigué. Même moi, il ne peut pas me recevoir" explique Estebano Iaparra.

 Le conseiller du capitaine avoue à demi-mot être dépassé par les conflits du village.

On a dit aux gendarmes de venir pour nous aider. On ne sait pas comment utiliser la loi et on a besoin de ça. Des fois, il y a des gendarmes qui nous disent « oh c’est des jeunes ! Ce n’est pas grave ! On fait quoi ?

 

Un jeune homme de 27 ans est accusé par une partie des villageois d’être lié de près ou de loin à la destruction du carbet. Il avait été roué de coups quelques heures avant l’incendie et la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Le jeune homme est parti du village. Sa mère le défend.

"On ne peut pas accuser mon garçon. Personne ne l’a vu faire ça ! On n’a pas vu, on ne peut pas l’accuser !"

Incendie de la maison des savoirs traditionnels amérindiens à Macouria

Au-delà de ce fait divers, cet incendie a révélé un profond malaise au sein du village. La communauté est divisée. Des violences sur fond de drogue et d’alcool et un profond écart entre générations. Le malaise était encore il y a quelques jours un secret de famille, de tribu. L’escalade récente des violences a mis au grand jour la crise des Palikur de Kamuyeneh.