Le premier discours de politique générale de Gabriel Attal ignore totalement les réalités socio-économiques du fenua

De gauche à droite, de haut en bas : les député(e)s Jean-Hugues Ratenon, Olivier Serva, Davy Rimane et Estelle Youssouffa. • ©La 1ère / AFP / Lucas Dusart Partager :
"Pas de surprise", "À peine deux phrases sur l'Outre-mer"... Les députés ultramarins pas convaincus par le discours de Gabriel Attal devant l'Assemblée. Et la Polynésie Française dans tout cela ?

Cette petite phrase répétée à foison par les dirigeants politiques successifs commence à agacer les élus ultramarins : "Les trente secondes sur les Outre-mer rappelant une nouvelle fois que les [territoires ultramarins] sont un atout pour la France... bon. On a déjà entendu ce genre de choses", glisse, lassé, le président de la Délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, Davy Rimane (GDR, Guyane) à Outre-mer la 1ère. 

Comme lui, nombreux sont ses collègues députés à ne pas avoir été convaincus par le discours de politique générale du Premier ministre Gabriel Attal, mardi 30 janvier. Sur les 1 h 20 d'allocution, le chef du gouvernement s'est penché qu'une petite minute sur les territoires d'Outre-mer, déclarant de manière générale que "chacune de nos politiques publiques doit tenir compte des spécificités des Outre-mer".

Un discours "déconnecté des réalités" d'Outre-mer

"À peine deux phrases sur l'Outre-mer", soupire le Réunionnais Jean-Hugues Ratenon (LFI). "Le ton change peut-être, mais ça reste le même logiciel", juge-t-il. La présidente de son groupe à l'Assemblée, Mathilde Panot, a d'emblée déposé une motion de censure contre le gouvernement de Gabriel Attal, qui n'a pas voulu solliciter de vote de confiance à l'issue de son discours, se sachant fragilisé par son manque de majorité absolue au Parlement.

Davy Rimane estime le chef de gouvernement "déconnecté de nos réalités". "Nous avons beaucoup de familles monoparentales [en Outre-mer]. Ce n'est pas les mêmes problèmes, ce n'est pas les mêmes réalités" que l'Hexagone, prend-il en exemple, évoquant la politique familiale défendue par l'exécutif.

"On reste un peu sur notre faim", regrette quant à lui le député Olivier Serva (LIOT, Guadeloupe) à la sortie de l'hémicycle. Lui est pourtant plutôt enclin à travailler avec le gouvernement, comme il l'a fait lors de la loi immigration en fin d'année dernière, même s'il soutient qu'il fait partie de l'opposition. Mais il déplore le peu de place accordée aux territoires ultramarins dans le discours de mardi.

On a besoin, pour l'Outre-mer, d'avoir une loi de programmation territoire par territoire, pour avoir une perspective de long-terme.

Olivier Serva, député LIOT de Guadeloupe

"Il faut que le gouvernement se mette au travail"

Au sein du Palais Bourbon, Gabriel Attal n'a évoqué de mesures spécifiques que pour deux territoires ultramarins : la présentation à venir d'une loi Mayotte, et l'examen dans les prochaines semaines du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. 

Nicolas Metzdorf, élu calédonien siégeant au sein du groupe Renaissance (majorité présidentielle), est l'un des rares députés ultramarins à saluer le "très bon discours de politique générale" du Premier ministre. Il applaudit la défense de la souveraineté française, industrielle et le "nécessaire retour de l'autorité" brandi par Gabriel Attal.

Élue de l'autre territoire directement cité par le chef du gouvernement, Estelle Youssouffa (LIOT, Mayotte) n'en est pas pour autant indulgente avec le nouveau Premier ministre : "Ça suffit, il faut que le gouvernement se mette au travail", réclame-t-elle, soulignant que le projet de loi Mayotte promis depuis des mois n'est toujours pas prêt.

Annoncée lors du Comité interministériel des Outre-mer en juillet dernier, la loi Mayotte, censée s'attaquer aux nombreux problèmes que rencontrent le 101ᵉ département français, devait être présentée sous six mois, soit au mois de janvier. Mais l'élaboration du texte a pris du retard. "Le Premier ministre a annoncé une loi Mayotte dont on ne connaît pas le contenu. Moi, je suis prête à travailler, mais il va falloir des offres sérieuses pour Mayotte", a-t-elle réagi, mardi, au micro d'Outre-mer la 1ère.

Alors que le ministère des Outre-mer est vacant depuis la démission du gouvernement d'Elisabeth Borne (l'exécutif doit nommer la liste complémentaire des ministres délégués et des secrétaires d'État dans les prochains jours), les parlementaires ultramarins assument ne plus rien attendre d'Emmanuel Macron et de ses ministres. "Je pense que c'est dans la lutte que nous allons faire changer les choses", estime Jean-Hugues Ratenon. "Ce sera à nous de créer les conditions pour que ça change drastiquement [dans les Outre-mer], parce qu'il n'est plus question en 2024 de supporter ce qu'il se passe sur nos territoires", abonde Davy Rimane. Estelle Youssouffa, elle, prévient le gouvernement sur la loi Mayotte, dont elle attend des mesures fortes : "S'il n'y a rien, ça ne sert à rien."