Madagascar : perpétuité pour les deux assassins de Gérald et Johanna

Deux Malgaches ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité lundi à Tuléar, dans le sud-ouest de la Grande Ile, pour l'assassinat d'un couple de restaurateurs boulannais dont les corps avaient été retrouvés affreusement mutilés à Madagascar en 2012.
La cour criminelle ordinaire de Tuléar a suivi le réquisitoire de l'avocat général, en reconnaissant coupables les deux principaux accusés, Victorien Lahiniriko et Régis Alain, et en les condamnant aux travaux forcés à perpétuité. Huit autres accusés ont eux été acquittées au bénéfice du doute.
 
Le 12 avril 2012, Johanna Delahaye, 31 ans, et son conjoint Gérald Fontaine, 41 ans, qui habitaient Tuléar dans le sud-ouest de Madagascar, où ils possédaient un restaurant, s'étaient rendus en quad sur une plage sauvage pour se baigner. Le corps de Gérald avait été découvert neuf jours plus tard, charrié à 60 km de Tuléar. Il avait fallu trois jours de battue pour retrouver celui de Johanna, plus près de la plage.
 
Pas de réponse aux questions
 
La jeune femme, qui était enceinte, avait "été retrouvée presque décapitée", tandis que son compagnon avait "les membres coupés", selon l'un des avocats des familles, Me Frank Berton. "On avait deux questions. Qui les a assassinés ? Ça, on le sait, ce sont ceux qui ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Pourquoi ? Là, on n'a pas de réponse", a réagi lundi soir M. Berton.
 
"L'enquête de police a été très mal faite. On n'a pas su si le commanditaire était réel ou pas", a-t-il ajouté, mais le père de Johanna, Patrick Delahaye, qui était présent au verdict, "peut mettre un visage sur ceux qui ont tué sa fille".
 
Des proches du commanditaire présumé, Roméo Ratsimbazafy, qui a été acquitté, se sont congratulés à l'annonce du verdict. "Je suis content d'être acquitté mais cette histoire m'a détruit", a réagi Roméo Ratsimbazafy, un homme d'affaires et politicien local. "C'est comme si on m'avait tué, mon nom a été sali."
 
Les accusés ont nié
 
Victorien Lahiniriko et Régis Alain ont aussi été condamnés à verser conjointement 114 millions d'ariary (environ 32.000 euros) de dommages et intérêts à chacune des deux familles des victimes.
 
Ces deux menuisiers plaidaient non coupable. Ils ont expliqué être passés aux aveux, pendant l'enquête, sous la pression de la police. Lundi, à la barre, ils ont raconté avoir trouvé de l'argent liquide et une carte bancaire de l'une des victimes en se promenant le lendemain du drame, le 13 avril 2012, sur la plage. 
 
"Pourquoi n'avez-vous pas ramené à la police des objets soi-disant égarés ?", a demandé pendant le procès Me André Randranto, représentant les parties civiles. "On ne savait pas à qui appartenaient ces objets", a répondu Victorien Lahiniriko. "Mais pourquoi vous êtes-vous empressé de récupérer l'argent avec la carte bancaire de Johanna ?", a insisté Me Berton. La question est restée sans réponse.
 
"Vous êtes devant le père de Johanna, avez-vous le courage de lui dire en face que vous avez tué sa fille ?", a poursuivi l'avocat français. "Ce n'est pas nous mais c'est la police qui nous a forcés à endosser toute la responsabilité de ce meurtre", a répondu Victorien Lahiniriko.
Roméo Ratsimbazafy a lui nié toute implication. Mais "le lendemain matin du meurtre (13 avril 2012), le portable de Fontaine vous a appelé. Comment expliquez-vous que le téléphone d'un mort puisse encore vous appeler ?", lui a demandé Me Berton. "Ce n'est pas mon numéro qu'on a appelé, mais le numéro de mon frère", a-t-il dit en guise de défense.
 
Lundi, à la reprise du procès après dix mois d'interruption, seuls deux des 16 témoins avaient répondu présents. Parmi eux, Ghislaine Ratsimbazafy, la soeur de Roméo. Cette dernière aurait, selon l'accusation, entretenu une relation avec Gérald Fontaine avant l'arrivée à Madagascar de sa compagne, Johanna Delahaye. Cette affirmation a provoqué un tollé lundi dans la salle d'audience : Ghislaine Ratsimbazafy, mariée et mère de famille, a estimé qu'une telle assertion "la rabaissait".