La population ne veut pas que la Martinique devienne autonome. Pas plus aujourd’hui qu’il y a douze ans. Sinon, ce serait déjà fait. Surtout que nos élus, dans leur immense majorité ne le souhaitent pas non plus. Sinon, ils auraient déjà mis en route le processus amenant au changement de notre statut juridique datant de 1946.
Ce qui n’a plus grand sens de nos jours. La défaite est encore vivace des partisans du passage de l’article 73 à l’article 74 de la Constitution, lors du vote du 10 janvier 2010. Les indépendantistes et certains autonomistes avaient trois objectifs, mentionnés dans la Déclaration de juillet 2009 du Rassemblement martiniquais pour le changement.
Primo, "renforcer la capacité d’initiative martiniquaise". Deuxio, "favoriser un meilleur développement durable". Tertio, garantir l’exercice de la démocratie interne à une collectivité nouvelle comprenant un exécutif et une assemblée. Un scénario rejeté par 80% des votants avec une faible participation de 55%.
Des résultats diamétralement opposés
Pourtant, deux semaines plus tard, le 24 janvier 2022, les électeurs approuvent le principe de la création d’une collectivité unique. Une volonté concrétisée par l’avènement de la Collectivité Territoriale de Martinique en décembre 2015. Les marges de manœuvre de cette institution sont limitées pour trouver des solutions pérennes aux problématiques majeures comme l’exode des jeunes, le chômage, la dépopulation, la délinquance, ou l’impact du dérèglement du climat.
Ce qui n’empêche pas ses élus, ceux de la première gouverne et ceux de l’actuelle, d’imaginer les moyens de résoudre nos difficultés, avec un budget restreint. Il reste que les contraintes enserrant l’action de la CTM amène, de temps à autre, à évoquer le nécessaire accroissement des pouvoirs des élus locaux.
La relance du débat sur débat sur l’autonomie par le ministre des outre-mer en novembre 2021, n’est pas vraiment la bonne option, ni sur la forme, ni sur le fond. Sébastien Lecornu a pris le risque calculé de mettre certains élus d’outre-mer face à ce qu’ils estiment être des contradictions. A l’entendre, il est de cesser cette valse-hésitation entre le "plus d’Etat" et le "moins d’Etat".
Un changement de statut nécessaire ?
Est-ce à dire qu’il faille aller vers un changement de statut ? Pas forcément, la législation actuelle est de nature à satisfaire les revendications de ceux qui souhaitent disposer de pouvoirs et de moyens étendus. Deux textes offrent aux collectivités locales de larges pouvoirs : la loi NOTRe d’août 2015 et la loi Engagement et proximité de décembre 2019.
Si elle est adoptée, ce sera le cas de la future loi dite "3DS" (pour Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification). Elle a été adoptée ce 4 janvier 2022 par les députés, en attendant son nouvel examen par les sénateurs.
Dès lors, il est évident que ce n’est pas demain la veille que nous pourrons obtenir une nouvelle consultation sur l’autonomie, comme celle du 10 janvier 2010. L’Etat ne cesse d’alléger ses charges au profit des collectivités locales. Il leur appartient de se montrer à la hauteur de ce défi.
Deux consultations en janvier 2010
La consultation des électeurs sur l’adoption d’un statut juridique dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, le 10 janvier 2010, a donné les résultats suivants :
Inscrits : 296 802
Votants : 164 198 (55,3%)
Exprimés : 159 252
« Oui » : 32 954 (20,7%)
« Non » : 126 298 (79,3%)
Deux semaines plus tard, le 24 janvier 2010, une seconde consultation avait pour objet le principe de l’adoption de la création d’une collectivité territoriale unique pour remplacer le département et la région.
Inscrits : 296 971
Votants : 106 262 (35,8%)
Exprimés : 101 256
« Oui » : 69 188 (68,3%)
« Non » : 32 068 31,7%)vvv