Je m’ennuie à mourir. J’essaie pourtant de lire et de regarder la télévision. J’ai la rage de savoir qu’on exerce une pression sur moi en m’obligeant à rester là, alors que ça ne sert à rien et que ça coûte cher aux contribuables. J’habite seul. J’aurais très bien pu être confiné dans mon appartement plutôt que d’être ici à l’hôtel avec les risques de contamination que ça pourrait comporter. Qui est le gagnant dans tout ça ?
Le confinement d’Éric Virgal a commencé le mardi 21 avril 2020. Ce soir-là, le chanteur rentre de Guadeloupe sur un vol de la compagnie Air France. A l’atterrissage, des policiers, positionnés au niveau du contrôle des passeports, lui notifient, ainsi qu’à une trentaine d’autres passagers, qu’ils ne pourront pas rentrer chez eux.
Je suis tombé des nues. Je n’étais pas au courant. On nous a mis dans un bus qui nous a amené au PLM Batelière. On nous a réparti dans des chambres très correctes. On a eu droit à un bon repas. Chacun descendait prendre son diner et remontait manger seul.
Une heure plus tard, Éric Virgal ne tient pas en place. Il se sent à l’étroit dans sa chambre. Il veut rentrer chez lui. Il veut dormir dans son lit. Il veut retrouver son appartement. Le chanteur téléphone à un ami et lui demande de venir le chercher à l’hôtel. Sitôt dit sitôt fait.
Le lendemain matin, la sous-préfète m’a appelé. Elle m’a dit de revenir immédiatement et que de toute façon j’aurai une amende. Elle a ajouté qu’elle m’enverrait les gendarmes pour me chercher. Il était impensable pour moi de repartir avec eux. J’ai donc rappelé mon ami pour qu’il me ramène à l’hôtel.
Aujourd’hui, vendredi 1er mai 2020, cela fait dix jours qu’Éric Virgal a reçu sa notification de confinement. La mesure vise à vérifier que les personnes arrivant sur le territoire ne sont pas infectées. Le délai d’incubation du COVID-19 est de 3 à 5 jours en général mais il peut s’étendre jusqu’à 14 jours.
Comme les autres passagers de son vol, placé également en quatorzaine, Éric Virgal a droit chaque matin à la visite dans sa chambre d’un médecin et d’une infirmière pour la prise de température. Les journées sont rythmés par les trois repas quotidiens.
Le reste du temps, je ne fais rien, je glande, je téléphone à des amis. Je n’arrive même pas à composer, tellement j’en ai marre. En plus j’ai perdu des contrats, parce que je devais faire des programmations chez moi. C’est une grosse perte dans un contexte difficile pour les artistes.
Rien ne justifie qu’on me garde ici. C’est une atteinte à ma liberté. Ça ne sert à rien de nous imposer ce confinement à l’hôtel, alors qu’il suffisait de nous expliquer les précautions à prendre et de nous laisser rentrer chez nous. Nous ne sommes pas des enfants. Nous sommes de grandes personnes. Nous sommes assez intelligents pour comprendre.
Une fois son courroux retombé, Éric Virgal évoque le Covid-19 en reconnaissant qu’il n’imaginait pas que la pandémie aurait fait autant de dégâts sur la planète. Il avoue également avoir plus que jamais pris conscience de la fragilité de la Martinique.
Nous sommes un petit péyi, une île de 350000 âmes. Dans un contexte comme celui-là, notre peuple peut être amené à disparaitre du jour au lendemain. Quand je sortirai d’ici, je ferai sans doute une chanson sur la gestion de cette crise sanitaire chez nous. Mais, qu’on ne se rassure, ça ne s’appellera pas Stanislas...
Au quarante-sixième jour de confinement, Éric Virgal prend son mal en patience. De toute façon, il n’a pas le choix. Si tout se passe bien, s’il ne présente aucun symptôme grave, le chanteur quittera l’hôtel mardi prochain. Il pourra alors retrouver sa liberté de mouvement et reprendre sa voix suave pour murmurer, à la fenêtre de son appartement, à ses voisins et voisines : "Rété a kay zot".