À quand un réseau d’eau potable optimal en Martinique ?

Alors que les coupures tournantes d’eau potable se multiplient en Martinique, faute d’une pluviométrie suffisante, la polémique s’amplifie sur les raisons de ce déficit récurrent. La Collectivité Territoriale de Martinique envisagerait une solution dans les mois qui viennent.

Depuis plusieurs années, à chaque période de carême, c’est le même constat que dressent les opérateurs (Odyssi, SME et SMDS) : le déficit en pluie ne permet pas d’assurer une distribution suffisante sur l’ensemble du territoire, car le niveau de cette eau puisée dans la plupart des rivières de l’île, est "drastiquement bas" en ce moment.

La faute, certes, à un déficit pluviométrique, mais aussi aux casses régulières d’une partie des canalisations située au Lorrain, sur un terrain privé dont le propriétaire n’aurait "pas encore donné son accord écrit", selon Daniel Marie-Sainte, conseiller exécutif de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), en charge des infrastructures, sur sa page Facebook.

Le réseau d’évacuation de l’eau potable produite par l’unité de production de Vivé au Lorrain, a été construite par un service technique de l’Etat pour le compte de l’ancien Conseil Général.
Les canalisations souterraines, à l’époque ont été posées dans des terrains privés.
L’un des propriétaires concernés, le sieur Bally, aurait prétendu qu’il n’avait pas donné d’autorisation pour cela.
Il a attaqué l’ex-Conseil Général devant les tribunaux pour réclamer des indemnités et s’oppose au droit de service d’accès pour l’entretien de la canalisation souterraine en cas de fuites !
Le Conseil Général à l’époque, a fait faire une réparation qui aurait dû être provisoire pour réparer une grosse casse causée par un glissement de terrain à Séguineau au droit de la propriété du sieur Bally.
La réparation provisoire réalisée par l’ex-Conseil Général n’a pas permis de retrouver le niveau de fonctionnement optimum au niveau du débit de l’eau conduite vers le centre et le sud de Martinique.
Le contentieux avec Bally est resté toujours pendant devant les tribunaux sous la dernière mandature de l’ex-Conseil Général.

Acompte versé mais travaux en suspens depuis 10 ans


Le 19 juillet 2012, un protocole transactionnel a été signé entre le conseil général de l’époque et le propriétaire concerné, Bernard Bally. Le document rappelle la rupture de canalisation du 5 mai 2009, laquelle avait provoqué un important glissement de terrain et emporté une partie des installations (des conduits en fonte de 800 mn de diamètre). Environ 100 000 abonnés avaient été impactés par cette casse, qui a endommagé une parcelle de l’habitation de Bernard Bally.

Canalisations de 800 mn de diamètre, en attente d'être posées au Lorrain

Un accord a été trouvé entre le riverain et le Département le 14 octobre 2011, "ayant pour objet, de mettre fin à un différend s’étant élevé entre elles (les deux parties), suite aux dégâts constatés sur la parcelle de terre appartenant à Mr Bernard Bally".

Une indemnisation de 92 347,46 euros a donc été versée au propriétaire, tandis que le document stipulait en outre que :

 

S’agissant de la question de la remise en état du terrain après les travaux de canalisation à effectuer aux fins de reprise des cultures, les parties ont convenu que ce point fera l’objet d’échanges ultérieurs entre elles, et toutes les solutions pourront être recherchées et proposées avec les partenaires du dossier.

Et voilà le nœud du problème, car près de 10 ans après, ce petit paragraphe n’aurait pas été respecté par l’ex conseil général, puisque le chantier n’est pas allé à son terme après des "travaux en urgence". Depuis 2016, de nouvelles interventions ont lieu régulièrement sur le même terrain jusqu’à ce jour pour le compte de la CTM, "sans négociation préalable avec le propriétaire", selon l'expert-conseil de Bernard Bally, qui lui, défend son droit de propriété, à défaut d'un accord avec les collectivités.

Deux conditions peuvent être envisagées comme solution : soit une session du terrain contre un montant qui pourrait avoisiner 600 000 € moins l’acompte reçu, ou alors une remise en état après l’installation dès canalisations de 80cm de diamètre posées sur le site depuis bientôt une décennie, ce qui pourrait coûter hyper cher.

(Paul-Louis Bourrouillou - expert conseil de Bernard Bally)

Le "plan B" de la CTM


De son côté, la Collectivité Territoriale de Martinique laquelle ne semble pas prête à reprendre à son compte ce lourd chantier en souffrance, envisage "une autre démarche".

Elle consiste à dévoyer les canalisations souterraines en les enfouissant sous les routes ( RD et RN) de la CTM et de contourner les propriétés privées qui ne seront plus de ce fait frappées de servitudes. Des études ont été effectuées.
L’autorisation de l’Etat, au titre de la "loi sur l’eau" a été donnée à la CTM.
L’appel d’offres sera bientôt lancé ! (...)
Le dossier pour cette solution, est prêt à être présenté à la prochaine séance plénière de l'assemblée de Martinique.(...) 

Il est néanmoins à rappeler que la compétence eau a été transférée par la loi aux Communautés d’agglomération !
Celles-ci devraient de leur côté investir pour moderniser les canalisations souterraines de distribution d’eau potable qu’elles ont héritées et construire de nouveaux réservoirs d’eau pour prévenir la saison sèche du Carême.

(Daniel Marie-Sainte - conseiller exécutif de la CTM, en charge des infrastructures, sur sa page Facebook).

Des travaux de grande ampleur à engager rapidement pour faciliter la capacité de production de l’UPEP (l’Usine de Production d’Eau Potable) du Lorrain, et des canalisations vétustes à remplacer absolument, restent les deux problématiques majeures de la distribution de l’eau potable en Martinique s'accordent à dire les acteurs de ce dossier.

Nous l’avons toujours dit : le réseau d’eau de Martinique est à refaire entièrement. Remplacer les tuyaux qui pètent de partout, augmenter le volume des réservoirs, et en créer d’autres. On a énormément urbanisé le pays, sans tenir compte de son approvisionnement en eau.
Donc c’est un problème d’aménagement du territoire, mais il n’y a pas de volonté politique pour régler ce problème d’eau en Martinique.

(Florent Grabin, président de l’association écologique PUMA - "Pour Une Martinique Autrement").

En attendant la solution perenne, les tours d’eau se poursuivent dans l’île et "aucune commune n’est épargnée" d'après les opérateurs.

Rappel des gestes éco-citoyens pour économiser la ressource :


⇒ Ne pas laver sa voiture
⇒ Ne pas arroser son jardin
⇒ Ne pas laver sa terrasse à grande eau
⇒ Ne pas remplir sa piscine
⇒ Limiter la durée des douches
⇒ Éviter les jeux d'eau
⇒ Doser au plus juste les quantités nécessaires pour cuisiner
⇒ Vérifier que tous les robinets sont bien fermés après utilisation