Aimé Césaire, le rebelle raisonnable

Aimé Césaire né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France. Homme politique Martiniquais, écrivain, poète, dramaturge, essayiste, et biographe.

Le Martiniquais le plus célèbre a cessé de vivre il y a 13 ans, le 17 avril 2008, mais son héritage intellectuel lui survivra longtemps. La postérité est le lot commun des rebelles, dit-on.

Et si Aimé Césaire avait toujours été un rebelle ? Du reste, plusieurs auteurs se sont attachés à le dépeindre comme tel. Aujourd’hui, certains peuvent lui reprocher, à bon droit, ses contradictions et ses hésitations. Mais personne ne peut lui contester son attitude de dissident. 

La dissidence idéologique tout d’abord, dans les années 1930 à Paris. Il forge le concept de "négritude" avec ses amis, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guyanais Léon Gontran Damas. Les trois compères n’ont pas 30 ans. Leur idée provoque un séisme dans le monde intellectuel. Le milieu artistique parisien frémit alors de discussions enfiévrées portant sur l’apport des civilisations d’Afrique à l’humanité.

La dissidence, toujours

 

La dissidence culturelle plus tard, sous l’Amiral Robert, avec la revue Tropiques, en 1941. Un combat contre l’obscurantisme mené avec sa femme Suzanne Roussi et ses camarades communistes René Ménil, Georges Gratiant, Thélus Léro, entre autres. Ses contributeurs popularisent le surréalisme, le courant littéraire en vogue.

Ils donnent une large place aux écrivains du monde noir. Sans oublier les sévères critiques portées au régime de Vichy. Ce qui vaut à la revue considérée comme subversive d’être censurée, puis interdite en 1943.

La dissidence politique enfin. Chez Césaire, elle prend corps avec l’adoption de la loi du 19 mars 1946 de transformation des colonies en départements dont il est le rapporteur à l’Assemblée nationale constituante. Il expose dans son discours, synthèse des travaux de la commission des colonies, une vision à rebours des intérêts du gouvernement et des manigances des maîtres du pays.

La promesse des communistes a le mérite de la clarté : obtenir l’assimilation. C’est-à-dire l’égalité des droits politiques et sociaux avec les citoyens de la France continentale. Une promesse sans cesse reportée depuis la Révolution de 1789, mais sans cesse renouvelée par l’élite politique, par les esclaves par les hommes de couleur libres et, enfin, par les citoyens libres de la seconde moitié du XIXe siècle.

Tout homme est un homme

 

Porte-parole des aspirations du peuple, Césaire mène jusqu’à la fin de sa vie le combat pour le triomphe d’une idée : tout homme est un homme. Nègre ou Blanc, occidental ou pas, chrétien ou non, prolétaire ou puissant, chaque être humain a droit à une égale dignité.

Un idéal de justice et de d’humanité en contradiction avec l’idéal colonial de l’avilissement et de l’ignominie. Relisons son Discours sur le colonialisme. Nous constaterons que les problèmes décrits par Césaire en 1950 ne sont pas toujours pas résolus par l’Occident judéo-chrétien.

Le rebelle Césaire met au centre de son action politique la reconnaissance de notre identité. Avant d’autres, iI nous apprend la fierté d’être nous-mêmes. Il est pour beaucoup dans l’émergence du fait national martiniquais. Une notion mal comprise par les conservateurs, recouvrant pourtant une réalité historique et une donnée sociologique tangibles.

La nation est un long processus

 

Constatant cette évidence, il écrit : "Une nation n’est pas une invention, c’est un mûrissement". La nation martiniquaise lui doit notamment d’avoir été révélée à elle-même. Un enseignement d’actualité permanente.

Loin de se laisser engloutir par ses responsabilités politiques, Césaire construit une oeuvre littéraire composée surtout de poèmes écrits à l’encre de la beauté. Il a su passer sans désemparer du réel prosaïque du maire et du député à l’imaginaire et au langage complexe du poète. Une œuvre devenue au fil du temps un héritage intellectuel et esthétique reconnu dans le monde entier.