ANALYSE. Face aux menaces, les maires de Martinique réagissent fortement

Justin Pamphile, 1er magistrat du Lorrain, élu président de l’Association des Maires de Martinique (22 juillet 2020)
La contestation de la vie chère a pris une tournure verbale violente ces derniers jours. Un responsable du collectif menant la mobilisation intime l’ordre aux maires de fermer leurs mairies. Des propos ayant provoqué plusieurs réactions des élus directement visés dans leur fonction.

Les élus choisis librement par les citoyens n'ont pas à répondre à des ordres donnés par le porte-parole d'une association de consommateurs. Surtout quand ces injonctions visent à fermer le service public de base qu'est la mairie dans une commune. Et en plus quand cet ultimatum s'accompagne d'injures.

C'est, en substance, la position exprimée par le maire de Saint-Joseph, Yan Monplaisir. Il demande à ses homologues de refuser d’avoir peur.

L'Association des maires, présidée par Justin Pamphile, a publié également un communiqué dénonçant ces tentatives d’intimidation.

Les élus ne doivent craindre personne

Plusieurs responsables politiques ont apporté leur soutien aux maires menacés, dont les sénateurs Catherine Conconne et Frédéric Buval ainsi que le président du conseil exécutif, Serge Letchimy.

Les élus du peuple n'ont pas à plier devant un ultimatum même si celui qui le prononce se réclame d'une légitimité qu’il tient de certains réseaux sociaux et de quelques rassemblements populaires. Seuls ceux qui ont élus leurs représentants ont le droit de les révoquer à l'occasion des élections.

La démocratie représentative est-elle caduque ?

Ce principe rappelé dans les déclarations des élus a le mérite de remettre au centre du débat la notion galvaudée de la démocratie représentative. Le plus simple et le plus sain, quand des citoyens veulent mettre fin à un mandat électif confié à une équipe ou à une personne, est de s'organiser pour tenter de l'emporter dans les urnes.

À condition d'élaborer un projet suffisamment consensuel pour susciter l'adhésion du plus grand nombre. Ceci paraît si évident qu'il semble inutile de le redire. Or, tout le monde n'a pas le même niveau d'instruction civique, ni la même conception de la démocratie.

La plaie des réseaux sociaux

Par ailleurs, la cherté de la vie ne va pas disparaître si les services municipaux ferment. Cet argument exposé par les maires tombe sous le sens. Pourtant, il vaut mieux le proclamer, à une époque où nous sommes tentés de tomber dans le piège des fausses informations, des interprétations fantaisistes et des évidences inventées de toutes pièces que permet l'utilisation abusive des réseaux sociaux.

Il est à espérer que ceux qui défient les maires se préparent à affronter le suffrage universel direct lors d'une campagne électorale, le moment idéal pour des débats contradictoires et l'adhésion à des idées. Une méthode foncièrement différente de la diffusion de réactions émotives et impulsives sur Internet.

Tout citoyen est doté d'un libre-arbitre

Après tout, c'est probablement ce qui se prépare. Si le peuple est mécontent du travail de ses élus, il a le droit de les congédier. Tout citoyen dispose de son libre-arbitre qui lui permet de savoir ce qui convient le mieux à la défense de ses intérêts. Les prochaines élections municipales ont lieu en mars 2026. Il convient donc d'être patient.

Et de se rappeler cette phrase de l'écrivain Paul Valéry : "La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force". Dit autrement par ce dicton martiniquais, tiré de la sagesse de nos ancêtres, qui eux, savaient se faire entendre et comprendre sans brutalité : "Ayen di fòs pa bon".