La société martiniquaise est-elle bloquée ? Nous pourrions le croire, après un trimestre de crise. Une crise survenant 15 ans après celle de février-mars 2009. Les mêmes causes - la vie chère - ne produisent pas forcément les mêmes effets. Aujourd'hui, une mobilisation populaire par l’intermédiaire de certains réseaux sociaux et quelques actions symboliques devant quelques supermarchés. Hier, une large mobilisation populaire visible avec un fort encadrement syndical.
Aujourd'hui, une absence d'issue du marasme alimenté par des exactions et des violences contre des entreprises et des personnes. Hier, quelques acquis rapidement reniés au point qu'ils sont largement oubliés. Pourtant, aujourd’hui comme hier, un bilan mitigé par rapport à la revendication initiale : l'alignement de tous les prix alimentaires en 2024, l'augmentation des bas salaires en 2009.
Ces résultats insatisfaisants peuvent donner à conclure que notre société est bloquée, dans la mesure où nous sommes incapables de trouver des solutions pérennes à des problèmes récurrents. Répondre par l'affirmative serait désespérant. Ceci voudrait dire que nous nous interdisons toute perspective d'évolution. Ceci est impossible pour toute société. Par définition, elle ne cesse de générer des mutations positives ou négatives.
Que proposent nos élites ?
Et si nous renversions la perspective ? Est-ce notre société qui est bloquée, ou nos élites ? À observer de près, nos formations politiques et nos assemblées ne proposent aucun modèle de nouvelle société. Or, c'est de cette carence que nous souffrons. Les machines électorales que sont devenues les forces politiques et les gestionnaires de collectivités que sont devenus nos élus n'ont plus d'idées et ne savent plus galvaniser le peuple. Puisque certains paraissent déconnectés du réel, faut-il les changer ?
Nos principaux acteurs économiques ne veulent pas ou ne peuvent pas réorienter leur clairvoyance ni leurs investissements vers des secteurs porteurs. Les exemples abondent : le digital, la biotechnologie pour exploiter notre pharmacopée, le transport aérien et maritime, les énergies renouvelables, la construction, le tourisme de haut de gamme, ou encore la presse. Comme s'il est interdit de sortir de la banane, du rhum et de l'hypermarché.
Quant à nos syndicalistes, comment comprendre qu'ils aient laissé tomber un combat qui doit être le leur ? Il leur revient d'être en pointe, comme par le passé, pour exiger une augmentation des salaires et des pensions de retraite afin de compenser le coût de la vie.
Comment sortir de l’impasse ?
Enfin, où se cachent nos intellectuels ? Certains publient des tribunes libres mais leur audience demeure confidentielle. Rien n'empêche tel économiste, tel sociologue, tel politologue, tel historien, tel psychologue, tel juriste de se montrer plus offensif afin d'alimenter le débat public pollué par de vaines polémiques.
En définitive, sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes piégés est un défi majeur. Entre le peuple en attente de solutions durables et des élites incapables d'en fournir, la perplexité prend le pas sur le débat constructif et prospectif. La Martinique serait-elle condamnée à rester dans le creux de la vague ?