Des agresseurs fracassent la porte d’un appartement d’une cité populaire de Fort-de-France, près de la zone de La Jambette. Ils ouvrent le feu sur ses occupants. Le bilan est particulièrement lourd. Deux morts : une jeune femme de 18 ans et un collégien de 15 ans ; cinq blessés graves : un bébé de 9 mois, un enfant de 5 ans, trois adolescents de 13, 15 et 16 ans.
Deux jeunes hommes sont arrêtés dans les deux jours. Sont-ils les auteurs de cette fusillade. Quelles sont les raisons de leur geste ? Ont-ils des complices ? Des questions que les enquêteurs s’attellent à résoudre.
Les députés Marcellin Nadeau et Béatrice Bellay ont exprimé leur stupeur. Plusieurs élus ont dit leur incompréhension. Le maire de la ville, Didier Laguerre, a condamné cet "acte odieux qui choque la Martinique". Il a raison sur ce point.
La balance des décès violents par armes à feu, plus de 20 cette année, s’alourdit. Nous sommes sur la même tendance depuis cinq ans. Invariablement, les mêmes explications reviennent, les mêmes interrogations sont soulevées, la même indignation est suscitée.
Un cap dans l’horreur est dépassé
Cette fois, nous avons passé un cap. C’est le constat du syndicat de policiers Alliance.
Sachant que les mêmes causes produisent les mêmes effets, nous risquons de vivre d’autres crimes crapuleux de ce genre. Même si nous ne connaissons par le profil précis des agresseurs, deux faits nous interpellent.
La circulation des armes à feu, de guerre surtout, est hors de contrôle. Puis, la délinquance juvénile évolue vers la criminalité précoce. Les éducateurs spécialisés et les policiers le savent bien. Ils le vivent au quotidien sur le terrain. Ils sont confrontés à une inversion des valeurs de la part de jeunes hommes en situation d’échec total.
Des causes connues de longue date
Nous pouvons, une fois encore, égrener les causes amenant à l’explosion de la criminalité cette dernière décennie : le manque de repères sociaux, la défiance envers l'autorité, la rupture des liens familiaux, le délitement du pacte social, l’absence d'éducation et d'encadrement familial, la prévention insuffisante, l’inadaptation de la seule répression judiciaire.
Il ne s’agit pas là d’excuses, mais de facteurs explicatifs d’un phénomène qui nous submerge. Avec à la clé une angoissante question : n’est-il pas trop tard pour enrayer la spirale morbide de la criminalisation de la société martiniquaise ?