Un chanteur populaire reçu à sa demande et en urgence à l’Elysée par le conseiller Outre-mer du président de la République. Une association parlant au nom du peuple, lequel peuple n’a jamais élu les dirigeants, ni donné aucun mandat à ce collectif.
Le préfet et le président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique qui reçoivent cette association pour une série de tables rondes, mettant sur le même plan les acteurs économiques dûment choisis par leurs mandants.
Et ceci, en présence des maires et des parlementaires dont la légitimité se fonde sur leur élection. Et ceci en l’absence des syndicats, tenus à l’écart de ces négociations, dont la légitimité se fonde sur leur expertise et leur expérience des luttes sociales.
Tout est permis, et le contraire aussi
Voilà notre Martinique aujourd’hui. Un territoire où un collectif de citoyens se donne le droit de revendiquer en tant que délégué des consommateurs, en réalité, des plus humbles d’entre eux. Et aucune force politique n’y trouve rien à redire.
Comme s’il est normal qu’un artiste renommé demande la venue d’un ministre dans un territoire en ébullition. Comme s’il est logique que des citoyens exigent et obtiennent de l’État et de la collectivité majeure de discuter d’un problème éminemment politique, la cherté de la vie.
Beaucoup se réjouissent de cet exercice qui s’apparente à un exercice de démocratie directe. Pour ceux-là, chacun de nous peut se poser en intermédiaire entre la population et les décideurs. Quoi de plus efficace, disent-ils, que les consommateurs puissent parler en direct avec les dirigeants politiques et économiques ?
La nature politique a horreur du vide
Il est vrai que si le sujet de la vie chère avait été constamment traité par nos institutions et s’il avait été une préoccupation permanente de nos forces politiques, nous n’en serions pas là. D’où cette autre question entendue ici et là : quel est l’impact réel dans la société des militants politiques et des élus ?
Si la société politique laisse le champ libre à la société civile pour poser et résoudre un sujet hautement politique, quel est l’intérêt de confier un mandat à nos élus, c’est-à-dire le droit et le devoir de parler de tout au nom de tous ? Et puis à quoi bon tenir des élections, au final ?
Le débat est loin d’être terminé. Après tout, peut-être que la Martinique est en train d’inventer une nouvelle manière de faire de la politique…