Au terme de ses 64 ans, la Constitution est-elle devenue obsolète ?

Emmanuel Macron en Alsace (29 avril 2023).
Comment sortir de la crise démocratique qui dure depuis trois mois ? Certains observateurs proposent de modifier ou de changer la Constitution, qui montre des signes de fatigue. Est-ce aussi simple ?

L’âge minimal de départ à la retraite est désormais de 64 ans. Or, c’est l’âge de la Constitution de la Cinquième République, le régime dans lequel nous vivons depuis octobre 1958. Et s’il était temps qu’elle prenne sa retraite ? Après six décennies de bons et loyaux services - si l’on peut dire tant le bilan politique de ce régime est contrasté - pourquoi ne pas passer à une autre étape ?

Certains rêvent d’une Sixième République, dans laquelle le Parlement retrouverait ses droits perdus. Les contours de ces hypothétiques nouvelles institutions sont encore inconnus, mais la revendication existe de remiser un texte ayant montré ses limites. La crise démocratique inédite permet à plusieurs observateurs de se demander s’il ne convient pas modifier la Constitution de 1958, voire de la changer carrément. 

Divers juristes, politologues, historiens ou sociologues estiment qu’il est temps de transformer le texte constitutionnel en tenant compte des aspirations sociales du 21e siècle. Au premier rang de celles-ci, l’urgence climatique, qui n’est absolument pas inscrite au coeur de la doctrine macroniste. Celle-ci donne une large place en même temps au libéralisme économique et au conservatisme social.

Un pouvoir exécutif vertical et rigide

Des conceptions à rebours de la préparation de la population et du pays aux conséquences néfastes des profondes modifications du climat planétaire. Ce qui exige unité et solidarité pour faire face aux modifications de notre mode de vie. Or, la Constitution ne permet pas la souplesse d’action requise aujourd’hui. Plus précisément, la mise en oeuvre de ses principes par le pouvoir en place lui donne des allures de rigidité.

Pour rappel, la Constitution a été pensée pour résoudre la crise du régime de la Quatrième République, empêtré dans la guerre d’Algérie. Il s’agissait aussi de prévenir l’instabilité des institutions. Ainsi, l’article 49, alinéa 3 qui permet l’adoption sans vote d’une loi a été instauré pour empêcher la succession de remaniements gouvernementaux propres au régime précédent.

Or, cette disposition revient à retirer aux députés et aux sénateurs leur droit de délibérer. Le litige entre le Parlement et le gouvernement a pris corps avec la limitation du temps d’examen par les députés  et les sénateurs du projet de loi sur la réforme des retraites, en application de l’article 47-1. Puis la crise de confiance entre l’opinion publique et le pouvoir s’est cristallisé par l’utilisation du décrié 49-3.

Des signes de fatigue des institutions

Au-delà de cette crise interminable, les signes d’une certaine fatigue institutionnelle sont évidents. Entre autres exemples, nous pouvons citer l’hyper-présidentialisation du pouvoir avec un homme emmuré dans une bulle imperméable aux cris de la foule ; la mainmise des technocrates sur les élus, imprimant leur vision du monde aux décisions politiques ; des élus locaux contraints d’appliquer des décisions venues d’en haut, comme la suppression de la taxe d’habitation.

Il semble évident qu’un changement de régime ne se décide pas d’un claquement de doigts. Il a fallu une révolution pour passer de la monarchie à la république, en 1789. Et plusieurs autres insurrections pour la consolider, en 1830 (instauration de la monarchie constitutionnelle dite de Juillet) ; en 1848 (instauration de la Deuxième République) ; en 1870 (abdication de l’empereur Napoléon-III).

Nous ne sommes pas à ce stade, bien entendu.