Le ministre des Outre-mer a créé une sacrée controverse, avec sa déclaration sur le désir d’autonomie exprimé en creux, selon lui, par les élus de Guadeloupe. Sébastien Lecornu a déclaré, de retour à Paris, qu’il s’agit d’un débat d’élus dont la population n’a rien à faire. Il a néanmoins tenu à préciser sa pensée. Pour lui, "l’autonomie s’apparente à une décentralisation poussée à l’extrême, comme en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie".
Mais le débat n’est pas à l’ordre du jour, admet le ministre. C’est ce que lui ont répondu les élus et les syndicalistes de Guadeloupe. Leurs homologues de Martinique ne se sont pas prononcés sur un sujet hors-sujet.
Donner à nos collectivités le pouvoir de gérer seules leur territoire...
Le ministre des outre-mer réagissait à notre exigence de dérogation à l’obligation vaccinale contre la Covid. Pour lui, sachant que ceci est juridiquement impossible, la solution n’est que politique. En un mot, donner à nos collectivités le pouvoir de gérer seules leur territoire. Ce qui suppose de sortir du cadre de l’article 73 de la Constitution.
Exit la controverse, pour le moment. Le débat reviendra sur le tapis, un jour ou l’autre, comme c’est le cas depuis une soixantaine d’années. Depuis l’instauration de la Cinquième République, l’autonomie a été réclamée à de multiples reprises dans les quatre départements d’Outre-mer. En Martinique, le Parti communiste, l’Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique (l’OJAM) et le Parti progressiste l’exigent, dès 1961.
Un autre moment fort de cette revendication a été la Convention du Morne-Rouge, en août 1971. À l’invitation du Parti communiste martiniquais, une quinzaine de formations politiques et d’organisations syndicales des quatre départements d’outre-mer procèdent à une critique en règle de la départementalisation.
L'autonomie est devenue une notion obsolète, voire anachronique
Leurs dirigeants proposent la création d’un Etat autonome dans chaque territoire et le transfert des pouvoirs les plus étendus, dans le cadre de l’ensemble français. Un programme de développement économique social et culturel est annexé à la déclaration finale. Pour toute réponse, un silence du gouvernement gaulliste dirigé par Jacques Chaban-Delmas et le ministre des DOM-TOM, Pierre Mesmer.
Mentionnons aussi la Déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, dont nous n’avons même pas célébré le 22e anniversaire. Le statut social et fiscal spécial réclamé par les présidents des régions Guadeloupe, Guyane et Martinique – Lucette Michaux-Chevry Antoine Karam, Alfred Marie-Jeanne – a été superbement ignoré par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, Jean-Jack Queyranne étant chargé de l’Outre-mer.
Les gouvernements de droite et de gauche n’ont pas voulu nous accorder l’autonomie, c’est vrai. Mais le peuple n’en a jamais voulu non plus. Les consultations populaires de décembre 2003 et de janvier 2010 l’ont montré. Et puis, nos forces politiques ne souhaitent plus le changement de statut.
Les lois actuelles offrent des responsabilités très étendues aux élus. Or, ils ne parviennent pas encore à mobiliser l’intégralité du champ des possibles ouvert par la décentralisation. L’autonomie ? Il faudrait avertir notre ministre qu’elle est devenue une notion obsolète, voire anachronique.